Les dégradations locatives ne peuvent pas faire l’objet d’une injonction de payer

Amandine Roglin

Cass. 3e civ., 27 mars 2025, n° 23-21.501, n° 176 B

Une créance contractuelle, mais non déterminée par le contrat

La Cour de cassation rappelle qu’une créance résultant de dégradations locatives ne peut pas être recouvrée par la voie de l’injonction de payer, dès lors que son montant ne peut être fixé uniquement en vertu du contrat de bail.

Selon l’article 1732 du Code civil, le locataire est responsable des dommages survenus pendant la durée du bail, sauf s’il prouve qu’ils ne lui sont pas imputables. Ainsi, lorsqu’il restitue le logement en mauvais état, il engage sa responsabilité contractuelle et doit indemniser le bailleur du préjudice subi, notamment pour le coût de la remise en état. Toutefois, l’évaluation de ce préjudice nécessite l’intervention du juge, sauf accord exprès entre les parties.


L’injonction de payer : des conditions strictes

L’article 1405 du Code de procédure civile prévoit que la procédure d’injonction de payer n’est possible que si :

  • la créance a une origine contractuelle ou statutaire, et
  • son montant est déterminé, soit expressément dans le contrat, soit de manière précise à partir de ses stipulations (comme une clause pénale).

Or, les créances liées aux réparations locatives ne répondent pas à cette exigence. Leur montant ne peut ni être fixé directement dans le bail, ni calculé mécaniquement à partir de ses clauses. En ce sens, la jurisprudence constante exclut l’indemnisation de dommages de cette procédure (Cass. com., 14 juin 1971, n° 70-11.077).


Application au cas d’espèce : la procédure d’injonction jugée inadaptée

Dans l’affaire en question, les bailleurs avaient perçu une indemnité de leur compagnie d’assurance au titre de dégradations subies dans un logement loué. L’assureur, subrogé dans leurs droits, avait obtenu une ordonnance d’injonction de payer contre les anciens locataires pour récupérer les sommes versées.

Les locataires ont formé opposition, contestant la recevabilité de cette procédure. Bien que le tribunal ait initialement estimé la créance contractuelle et son montant clairement établi (sur la base d’une lettre de réclamation et d’un document émis par l’assureur), la Cour de cassation a censuré cette décision.

Elle juge que le montant de la créance ne résultait pas des clauses du bail, mais nécessitait une appréciation extérieure, et que les conditions de l’article 1405 n’étaient donc pas remplies.


En résumé :

  • Les dégradations locatives peuvent donner lieu à indemnisation, mais le montant du préjudice doit être fixé judiciairement, sauf accord des parties.
  • La procédure d’injonction de payer est exclue lorsque la créance ne peut pas être déterminée uniquement sur la base du contrat de bail.
  • Un assureur subrogé ne peut pas utiliser cette procédure pour recouvrer les sommes versées au bailleur si le montant de la créance suppose une appréciation ou une évaluation extérieure au contrat.
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