Cass. 1re civ., 28 mai 2025, n° 23-18.737, n° 349 F-D
Un devoir d’information préalable et complet
Le notaire est tenu de fournir un conseil éclairé et spontané aux parties avant toute prise d’engagement définitif. À défaut, il engage sa responsabilité professionnelle. Dans une affaire récente, la Cour de cassation a rappelé cette exigence à l’occasion d’un litige opposant des vendeurs de terrain à leur notaire.
Les faits : omission d’information sur une imposition prévisible
En 2014 puis en 2017, un couple avait consenti une promesse unilatérale de vente d’un terrain non bâti à une société. L’achat a été concrétisé début 2018 pour un montant supérieur à un million d’euros. Postérieurement à la signature de l’acte authentique, les vendeurs découvrent qu’ils sont redevables de taxes additionnelles importantes, en raison du classement du terrain comme constructible.
Ces impositions découlaient d’une délibération municipale datant de 2008 et étaient donc connues et quantifiables dès 2014. Or, si le notaire avait bien évoqué la possibilité de ces taxes dans les promesses de vente, il s’était contenté d’une mention vague, sans fournir de chiffres ni expliciter les conséquences financières pour les vendeurs.
Le manquement au devoir de conseil retenu par la Cour de cassation
La Cour d’appel, dans un premier temps, avait écarté toute faute, estimant que les avertissements du notaire étaient suffisants. Mais la Cour de cassation a cassé cette décision, rappelant que l’information délivrée trop tard, au moment de l’acte authentique, ne suffit pas à libérer le notaire de son obligation, les parties étant déjà engagées à ce stade.
Elle précise que le notaire aurait dû attirer expressément l’attention des vendeurs sur la charge fiscale encourue et proposer des estimations concrètes dès les promesses de vente, afin de leur permettre d’en tenir compte dans la négociation.
La portée de l’obligation du notaire
Professionnel du droit et officier public, le notaire a pour mission :
- de conseiller ses clients sur les choix juridiques les plus adaptés à leurs intérêts ;
- d’alerter sur les risques et implications des actes à venir ;
- d’assurer une compréhension complète et anticipée de la portée de l’acte authentique.
Cette obligation est impérative et personnelle, et ne peut être déléguée, comme l’a déjà précisé la Cour dans d’autres arrêts (Cass. 1re civ., 25 janv. 2017, n° 16-10.415).
Conséquences de la décision
La Cour de cassation a condamné le notaire à verser 3 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et à prendre en charge les frais de justice. L’affaire est renvoyée devant une autre cour d’appel pour nouvel examen au fond.
En résumé :
- Le notaire doit informer ses clients en amont de toute décision irréversible.
- L’information vague ou tardive sur des taxes prévisibles constitue un manquement fautif.
- Il doit fournir une explication complète, concrète et chiffrée, permettant aux parties d’évaluer les enjeux avant de s’engager.
- Le non-respect de cette obligation engage sa responsabilité professionnelle.