Source :Cass.com 23 avril 2013, pourvoi n°12-16.035, F-P +B
Le mécanisme de la déclaration d’insaisissabilité est bien connu : il s’agit, pour un débiteur, de déclarer insaisissable des immeubles non professionnels lui appartenant et les protéger de futures procédures d’exécution.
Néanmoins, cette déclaration n’est bien sûr opposable qu’aux créanciers postérieurs à la déclaration.
L’articulation de la déclaration d’insaisissabilité avec les procédures collectives fait l’objet d’une jurisprudence fournie, mais dont les contours semblent aujourd’hui clarifiés.
Par un arrêt remarqué, et commenté sur Vivaldi Chronos[1], la Cour de Cassation a dénié au liquidateur judiciaire la qualité pour contester l’efficacité de la déclaration d’insaisissabilité, dans ces termes :
« Le liquidateur ne peut légalement agir que dans l’intérêt de tous les créanciers et non dans l’intérêt personnel d’un créancier ou d’un groupe de créanciers ; la déclaration d’insaisissabilité n’a d’effet qu’à l’égard des créanciers dont les droits naissent, postérieurement à sa publication, à l’occasion de l’activité professionnelle du déclarant ; en conséquence, le liquidateur n’a pas qualité à agir, dans l’intérêt de ces seuls créanciers, en inopposabilité de la déclaration d’insaisissabilité ».
L’arrêt commenté ici traite d’une espèce relativement proche, dans laquelle une débitrice avait, par acte notarié, rendu insaisissable des droits indivis qu’elle détenait dans un immeuble 4 mois seulement avant l’ouverture d’un redressement judiciaire converti quelques jours plus tard en liquidation judiciaire.
Le liquidateur, compte tenu de la proximité de la déclaration d’insaisissabilité avec l’ouverture de la procédure collective, estimait que cette dernière avait été faite en fraude des droits des créanciers, et introduisait une action Paulienne à son encontre.
La Cour de Cassation, dans l’arrêt commenté, approuve la Cour d’Appel d’avoir déclaré irrecevable le liquidateur à agir sur un tel fondement.
L’explication de cette irrecevabilité du liquidateur à exercer l’action Paulienne est la même qui a conduit la Cour de Cassation à dénier à ce même liquidateur le droit d’agir en inopposabilité de la déclaration d’insaisissabilité.
Dans la mesure où cette dernière n’est opposable qu’aux créanciers postérieurs, il se retrouve au sein de la collectivité des créanciers du débiteur ayant tenté de mettre à l’abri ses biens immobiliers, des créanciers auxquels la déclaration est opposable, et d’autres auxquels elle n’est pas opposable.
Dit autrement, l’immeuble objet de la déclaration n’appartient pas au gage commun de tous les créanciers.
Or, la mission du liquidateur est de protéger ce seul gage commun, et ainsi de protéger l’intérêt commun de tous les créanciers.
En s’attaquant à l’immeuble objet de la déclaration d’insaisissabilité, il s’attaque à un bien qui n’est le gage que de certains créanciers, et pas de tous.
Bien évidemment, et à l’inverse, chaque créancier, pris individuellement, pourrait contester, le cas échéant, la déclaration d’insaisissabilité s’il considérait que celle-ci avait été prise en fraude de ses droits. Mais, en agissant ainsi, il ne protègerait que son intérêt propre puisqu’il viendrait dès lors en concurrence avec les créanciers dont la créance serait antérieure à la déclaration d’insaisissabilité, c’est-à-dire ceux dont l’immeuble constituerait déjà le gage général.
C’est la raison pour laquelle en matière de déclaration d’insaisissabilité, le liquidateur est irrecevable à agir, dans la mesure où, quelque soit son intervention, il agit forcément dans l’intérêt de certains des créanciers et corrélativement au détriment d’autres.
La solution selon laquelle le liquidateur est irrecevable à exercer une action Paulienne à l’encontre d’une déclaration d’insaisissabilité doit être approuvée.
Etienne CHARBONNEL
Vivaldi Avocats
[1] Cf article Vivaldi-chronos “Irrecevabilité de l’action paulienne exercée par le liquidateur à l’encontre de la déclaration d’insaisissabilité“.