Source : CE 29/05/2017 n°396896, mentionné dans les tables du recueil Lebon
L’administration fiscale a mis à jour un circuit de fraude à la TVA dans la chaine de contrats suivant :
GEHA France | ||
Vente de biens X |
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AERO DISTRIBUTION | ||
Revente des biens X |
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INFOLUTION | ||
Rerevente des biens X |
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AMCO |
La société GEHA France est l’opérateur défaillant au regard de la TVA et l’administration fiscale a considéré que ses cocontractants (AERO DISTRIBUTION et INFOLUTION) ne pouvaient l’ignorer eu égard aux conditions de leur partenariat.
L’administration fiscale a alors refusé à AERO DISTRIBUTION la déduction de la TVA grevant les biens acquis auprès de GEHA France en vertu de l’article 272 du CGI et a appliqué à INFOLUTION, en vertu de l’article 286 du CGI la solidarité de paiement s’appliquant à un assujetti en faveur duquel a été effectué une livraison de biens qui savait ou ne pouvait ignorer que tout ou partie de la TVA due sur cette livraison ou sur toute livraison antérieure des même biens ne serait pas reversée de manière frauduleuse.
Après contrôle, la situation était la suivante :
GEHA France | ||
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Vente de biens : TVA collectée non reversée |
AERO DISTRIBUTION | ||
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1) Déduction TVA versée lors achat bien 2) collecte TVA à l’occasion revente bien : ok
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INFOLUTION | ||
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1) Déduction TVA versée lors achat bien : ok 2) collecte TVA à l’occasion revente bien : ok 3) paiement TVA qui aurait dû être acquittée par GEHA FRANCE
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AMCO |
La société INFOLUTION a contesté la solidarité en paiement mise à sa charge au motif que l’administration fiscale avait déjà remis en cause la déduction de la TVA de la société AERO DISTRIBUTION ce qui allait à l’encontre de la règle de non cumul des sanctions en matière de TVA édictée à l’article 283 -4 bis du CGI qui dispose que les dispositions du premier alinéa (solidarité de paiement) et celles prévues au 3 de l’article 272 (remise en cause de la déduction) ne peuvent pas être cumulativement mises en œuvre pour un même bien ou pour un même service.
Or en l’espèce, il s’agissait bien des mêmes biens qui avaient circulés entre les différents opérateurs.
Le Conseil d’Etat rejette le pourvoi du contribuable en jugeant « il résulte de ces dernières dispositions [article 283 – 4 bis 2° du CGI], éclairées par les travaux préparatoires à la loi du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006 de laquelle elles sont issues, qu’elles ont pour seul objet de faire obstacle à ce qu’un même contribuable soit, d’une part, solidairement tenu au paiement de la TVA éludée par un fournisseur direct ou indirect au titre d’une livraison de bien, d’autre part, privé du droit de déduire la TVA ayant grevé l’acquisition par lui du même bien ».
En d’autres termes, les deux sanctions prévues pour lutter contre la fraude à la TVA peuvent s’appliquer sur un circuit concernant un même bien tant qu’elles sont réparties sur entre les différents opérateurs.
Le schéma ci-dessus aurait été invalidé si la société INFOLUTION s’était vue refuser son droit à déduction et appliquer la solidarité de paiement
Le Conseil d’Etat fait ainsi une appréciation étonnante de la portée de la règle de non cumul en raisonnant non pas en fonction du bien pour lequel la TVA a été éludée mais en fonction de l’opérateur concerné par la sanction.
Il semble en effet évident que le principe de la neutralité de la TVA empêche qu’un même opérateur soit concerné par les deux sanctions.
Au final, même si les sanctions appliquées concernent deux opérateurs différents, la TVA éludée par l’opérateur défaillant concernant un même bien est acquittée deux fois au lieu d’une.
Caroline DEVE
Vivaldi-Avocats