Concurrence déloyale : attention aux agissements dénigrants entre non-concurrents !

Source : Cass. com., 9 janvier 2019, n° 17-18.350, FS-P+B

 

I – L’enseignement de l’arrêt commenté

 

Au visa des articles 1240 du Code civil (ancien article 1382 du même code) et 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé que :

 

« même en l’absence d’une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation, par l’une, d’une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par l’autre constitue un acte de dénigrement, à moins que l’information en cause ne se rapporte à un sujet d’intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, et sous réserve qu’elle soit exprimée avec une certaine mesure ».

 

Il ressort de cela que (i) la divulgation au public de l’existence d’une action en contrefaçon, sans qu’une décision de justice ne soit intervenue qui est (ii) dépourvue de base factuelle suffisante en ce qu’elle ne repose que sur le seul acte de poursuite engagé par le titulaire des droits, constitue un dénigrement fautif.

 

II – Les faits de l’espèce : une action peut en cacher une autre

 

II – 1.

 

La société A exerce une activité de fabrication et vente de produits plastiques et notamment des meubles de jardin. Ces équipements sont ensuite revendus par un agent commercial.

 

Cette société a assigné en contrefaçon de ses modèles la société B, également spécialisée dans la création, la fabrication et la distribution de meubles de jardin.

 

L’histoire était assez « classique » jusqu’à l’intervention de l’agent commercial précité à qui la société B reprochait d’avoir organisé à son encontre une campagne de dénigrement en divulguant, particulièrement auprès de la clientèle de cette société, l’existence de l’action en justice précitée. Etant précisé que ces agissements on conduit plusieurs clients à annuler leurs commandes.

 

La société B a alors assigné l’agent commercial en paiement de dommages et intérêts sur le fondement de la concurrence déloyale.

 

II – 2.

 

La Cour d’appel juge pourtant que les termes des courriels adressés à la société B par ses clients alors informés de cette action environ trois semaines après qu’elle fut engagée, ne démontrait en rien des agissements déloyaux.

 

Tel n’est pas l’avis de la Cour de cassation qui censure l’arrêt pour un motif dont on peut tirer deux enseignements :

 

– le premier est de qualifier de dénigrement la simple transmission d’une action en contrefaçon dans des conditions telles que les destinataires de l’information pouvaient penser à la réalité de cette contrefaçon sans qu’il soit nécessaire d’avoir recours aux critères habituellement retenus comme des propos excessifs ou dénigrants ;

 

– la seconde est d’admettre la concurrence indirecte (ce n’est pas société A qui dénigrait la société B, mais l’agent commercial de la première) dans la catégorie des actes de concurrence déloyale par dénigrement.

 

Verdict : censure de la Cour de cassation avec l’attendu de principe précité.

 

*****

 

Il est donc désormais largement admis que l’existence d’une situation de concurrence directe ou effective n’est plus une condition de l’action en concurrence déloyale. Il conviendra alors désormais d’être vigilent quant à la qualification de « concurrence déloyale » qui ne sanctionne pas seulement les comportements entre entreprises rivales.

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Vivaldi Avocats