Covid-19 : détail du mécanisme de garantie par l’Etat des nouveaux prêts bancaires (300 milliards d’euros)

Kathia BEULQUE
Kathia BEULQUE - Avocat associée

Source : Loi n°2020-289 du 23 mars 2020 et Arrêté du 23 mars 2020

 

Les mesures de confinement liées à l’état d’urgence sanitaire sont une catastrophe pour le tissu économique de notre pays.

 

Un grand nombre de sociétés ou d’activités sont purement et simplement à l’arrêt, ou exercent de manière très ralentie.

 

Il est évident que, si aucune mesure n’avait été prise par le Gouvernement, nous aurions à faire face à une vague sans précédent de défaillances d’entreprises, à très court, court ou moyen terme.

 

Pour répondre à ce défi, plusieurs mécanismes ont été mis en place et notamment :

 

– Des reports de paiement de charges fiscales et sociales ;

 

– Une amélioration du mécanisme de chômage partiel ;

 

– Une indemnisation forfaitaire (1 500 €) pour les indépendants ayant connu une chute de chiffre d’affaires ;

 

– Etc.

 

Mais la mesure phare, annoncée par le Gouvernement dès le début de la crise consiste en une enveloppe de 300 milliards d’euros, censée être injectée dans l’économie pour relancer celle-ci.

 

Nous connaissons désormais le mécanisme mis en place.

 

Il s’agit d’une garantie par l’Etat, dans la limite, donc, de 300 milliards d’euros, des prêts nouveaux souscrits auprès des établissements bancaires par les sociétés en besoin de trésorerie, en raison de l’état d’urgence sanitaire.

 

Nous allons détailler dans cet article les conditions de cette garantie. Puisqu’il s’agit bien d’une garantie et non d’argent « nouveau » injecté par l’Etat dans l’économie.

 

Cette garantie est, en pratique, accordée par BPI.

 

1 – Quels prêts sont éligibles ?

 

Le dispositif est destiné à appuyer les demandes de prêts de trésorerie pour les sociétés qui ont pu avoir à souffrir de la crise sanitaire, ou qui auront à en souffrir.

 

Dans ces conditions, la garantie couvrira les prêts conclus auprès des établissements bancaires à compter du 16 mars 2020 (c’est-à-dire rétroactivement par rapport à la date de publication de l’ordonnance) jusqu’à ceux conclus au plus tard le 31 décembre 2020.

 

Les prêts devront en outre présenter un certain nombre de caractéristiques, toujours destinées à soulager la trésorerie des entreprises :

 

– Un différé total d’amortissement de 12 mois minimum ;

 

– Une clause prévoyant la faculté, au terme de cette période de différé initial de 12 mois, de permettre à l’emprunteur de choisir la durée d’amortissement du prêt, pour une durée prévue entre 1 et 5 ans supplémentaires, soit au final une durée totale de prêt de trésorerie comprise entre 2 ans (1 an de différé + 1 an d’amortissement) et 6 ans (1 an de différé + 5 ans d’amortissement).

 

L’idée bien évidemment, pour les entreprises bénéficiaires des prêts, est de reconstituer leur trésorerie, et d’étaler dans le temps la reconstitution de leur santé financière ;

 

– Par ailleurs, toujours pour que ces prêts constituent une trésorerie nouvelle, il est prévu que ne bénéficieront pas de la garantie les prêts qui ne constituent pas une augmentation des concours globaux de l’établissement bancaire envers son client. Dit autrement, le mécanisme de garantie ne doit pas être l’occasion, pour la banque, de réduire les encours, tout en diminuant son risque.

 

Il s’agit bien là ici pour la banque de faire un effort de « new money ».

 

Enfin, il existe toutefois un plafond dans le montant des prêts accordés :

 

– Pour les entreprises créées à compter du 1er janvier 2019, ce plafond est égal à la masse salariale, en France, estimé sur les deux premières années d’activité ;

 

– Pour les entreprises créées avant le 1er janvier 2019, le plafond est égal à 25 % du chiffre d’affaires 2019 constaté, ou le cas échéant, celui de la dernière année disponible.

 

Le mécanisme reste donc assez encadré, d’autant que l’Arrêté du 23 mars 2020, dans son article 5, prévoit expressément que les nouveaux contrats de prêts pourront prévoir une clause stipulant une exigibilité immédiate du prêt accordé, en cas de détection, postérieurement à l’octroi de ce prêt, du non-respect du cahier des charges constitué par l’ensemble des conditions ci-avant énoncées (notamment par la fourniture, par l’emprunteur, d’une information intentionnellement erronée à la banque ou à BPI).

 

2 – Quelles entreprises sont éligibles ?

 

Le dispositif se veut le plus large possible.

 

La quasi-totalité des entreprises sont éligibles, à l’exception des entreprises financières, ainsi que des entreprises non immatriculées en France.

 

Sont ainsi concernées, selon l’article 3 de l’Arrêté, les entreprises de toute taille, quelle que soit leur forme juridique (et notamment sociétés, commerçants, artisans, exploitants agricoles, professions libérales, micro-entrepreneurs, associations et fondations ayant une activité économique) à l’exception toutefois des sociétés civiles immobilières, des établissements de crédits et donc des sociétés de financement.

 

Toutefois, les entreprises, pour pouvoir prétendre aux prêts garantis, ne doivent pas faire l’objet d’une procédure collective (sauvegarde, redressement et liquidation), bien que les procédures préventives (mandat ad hoc et conciliation) et les sociétés de nouveau in bonis dans le cadre d’un plan (de sauvegarde ou de redressement, auxquelles l’applicabilité du mécanisme a bien été confirmée depuis la publication) sont bien concernées par le dispositif.

 

Même les grandes entreprises peuvent bénéficier de la garantie pour leurs prêts, mais au-delà d’un chiffre d’affaires de 1,5 milliards d’euros par an, et de 5 000 salariés, la garantie ne sera octroyée que sur la base d’un arrêté individuel du Ministre chargé de l’économie.

 

Se posera alors nécessairement la question de la conformité de cette garantie au-regard des règles de concurrence déloyale, à l’échelle européenne.

 

3 – Automaticité de la garantie

 

A la condition de respecter les critères ci-avant définis, la garantie est en principe automatiquement accordée.

 

Elle vient couvrir 90 % du montant du prêt (80 % pour les entreprises réalisant plus d’1,5 milliards d’euros de CA et 70 % pour les entreprises réalisant plus de 5 milliards d’euros de CA).

 

Il est par ailleurs expressément prévu que les banques ne peuvent solliciter de garantie pour les 10 % restants, qui constituent donc leur risque maximal.

 

Le mécanisme d’octroi se veut simple, puisqu’il suffit à la société de se connecter sur le site attestation-pge.bpifrance.fr pour obtenir un identifiant unique qu’elle communique à sa banque, lequel suffira à cette dernière pour octroyer le prêt, la garantie étant automatiquement accordée dès lors que les critères sont respectés (selon déclaration).

 

Il s’agit donc d’un dispositif extrêmement ambitieux, à la fois par sa simplicité, et par son ampleur.

 

L’idée est bien évidemment de donner confiance aux banques pour que celles-ci accordent des prêts en grande quantité, pour relancer, ou préserver autant que faire se peut, l’économie.

 

Il était à craindre que les banques, frileuses, demandent une garantie pour les 10 % restants. L’Arrêté précise expressément que cette garantie complémentaire est interdite.

 

De même, cela ne doit pas être pour les banques l’occasion d’obtenir des garanties supplémentaires tout en réduisant leur concours, de sorte que là encore, la condition d’une augmentation des concours globaux, par rapport à la date du 16 mars, répond à la problématique.

 

Pour autant, il faut bien constater que le mécanisme n’est ici qu’une garantie de l’Etat, et non un financement nouveau ou une subvention accordée aux entreprises.

 

C’est-à-dire qu’au final, c’est bien les entreprises qui auront à supporter le remboursement des emprunts ainsi sollicités, mais également le coût de la garantie qui reste modeste mais est néanmoins prévu puisque ce coût est fixé à 0,25 % du montant garanti pour la première année, 0.5 % pour les années 1 et 2 d’amortissement (soit les années 2 et 3 de « vie » du prêt) et 1 % pour les années 3 à 5 d’amortissement (c’est-à-dire les années 4 à 6 de la « vie » du prêt).

 

Ces montants montent à 0,5 % pour la première année, 1 % pour les années 2 et 3 et 2 % pour les années 3 à 6 pour les entreprises qui emploient plus de 250 salariés et ont un chiffre d’affaires qui excède 50 000 000 € par an ou ont un total de bilan qui excède 43 000 000 €.

 

Enfin, il convient de rappeler que l’enveloppe affectée à cette garantie n’est « que » de 300 milliards d’euros.

 

Se posera nécessairement la question de la garantie de l’Etat si l’enveloppe affectée est dépassée, en engagements (montant total des prêts couverts), et à terme en garantie mobilisée (sommes réglées par l’Etat en tant que garant suite aux défaillances d’entreprises ayant souscrits les prêts garantis).

 

Les prêts seront-ils tous garantis dès lors qu’ils ont été conclus avant le 31 décembre 2020 (ou se dirigera-t-on vers une formule du type « premier arrivé, premier servi » ?).

 

Certains aspects du dispositif sont encore à ce titre relativement flous.

 

Nous ne manquerons pas de refaire le point sur Vivaldi Chronos.

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