Cautionnement réel : impossible pour le créancier bénéficiaire de déclarer une créance au passif du garant.

Jacques-Eric MARTINOT
Jacques-Eric MARTINOT - Avocat

Source : Cass.Com., 17 juin 2020, n° 19-153, n° 336 FS-P+B+R

 

I – Les faits.

 

Une SCI se voit octroyer par un établissement financier un crédit-bail immobilier, sous-loué par la suite, pour lequel la holding consentait au crédit-bailleur un nantissement sur les parts détenues dans la SCI.

 

Une procédure collective est alors ouverte à l’encontre des deux sociétés conduisant le crédit-bailleur à déclarer sa créance au passif de la procédure concernant la holding.

 

Notons immédiatement que le crédit bailleur déclarera sa créance à titre privilégié en vertu du nantissement.

 

II – La procédure.

 

Rejet de la créance par la Cour d’appel d’Orléans menant au pourvoi. Il est alors soutenu dans le mémoire que :

 

« que si le nantissement de parts sociales ne constitue pas un engagement personnel à la dette d’autrui, il confère néanmoins à son bénéficiaire, en cas de vente du bien nanti, le droit de percevoir la quote-part du prix correspondant au montant garanti ; qu’à ce titre, le titulaire du nantissement dispose à l’égard du détenteur du bien nanti d’un droit de créance limité à la valeur de ce bien affecté en garantie ; (…) et que dès lors il ne pouvait déclarer aucune créance à ce titre au passif de la procédure collective ouverte à l’encontre du tiers détenteur »

 

Rejet de la Cour de cassation également au terme d’un dispositif reproduit comme suit :

 

«6. D’une part, une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d’un tiers n’impliquant aucun engagement personnel du constituant de cette sûreté à satisfaire à l’obligation d’autrui, le créancier bénéficiaire de la sûreté ne peut agir en paiement contre le constituant, qui n’est pas son débiteur.

 

7. Les crédits-bailleurs n’étant pas créanciers de la société […] , au titre du nantissement, c’est à bon droit que la cour d’appel a rejeté leur demande d’admission.

 

8. D’autre part, la cession de créance à titre de garantie ne transfère au cessionnaire la propriété que de la créance cédée, soit en l’espèce la créance de sous-loyers, et non celle de la créance garantie, soit en l’espèce la créance de loyers.

 

9. La cour d’appel en a exactement retenu que, les crédits-bailleurs n’étant créanciers, au titre de la créance née du contrat de crédit-bail, que de la SCI A…, ils n’avaient pas à être admis au passif de la procédure collective de la société […] à ce titre.»

 

Autrement dit, le crédit-bailleur n’est pas créancier de la holding de sorte qu’il ne pouvait déclarer sa créance au passif de la holding.

 

Par cet arrêt, la Cour estime que le bénéficiaire d’une sureté réelle consentie pour la dette d’un tiers ne peut pas déclarer sa créance au passif du garant, ce dernier n’était pas son débiteur.

 

C’est la distinction entre un engagement personnel du garant ou d’un engagement réel, ce dernier n’obligeant pas le garant à payer la dette du débiteur, mais simplement à céder au créancier la valeur du bien engagé à hauteur de la créance. A ce titre, la Cour de cassation a déjà jugé que le créancier bénéficiaire d’un cautionnement réel ou personnel devait déclarer sa créance au passif de la caution soumise à une procédure collective, car il disposait à l’égard de ladite caution d’un droit de créance en cas de défaillance du débiteur principal, ce droit étant bien entendu limité aux biens affectés à la garantie de l’engagement.

 

La Cour de cassation a posé le principe que le cautionnement dit réel, consenti pour garantir la dette d’un tiers, constitue une sûreté réelle qui n’implique aucun engagement personnel à satisfaire l’obligation du débiteur, et non pas un cautionnement.[1]

 

Quid de la préservation des intérêts du créancier ? Pas de vraie solution, encore moins dans la définition du gage dans le Code civil en son article 2333.

 

Affaire à suivre donc !

 

[1] Cass.ch.mixte, 2 décembre 2005 n° 03-18.210 ; Cass.Civ1., 28 février 2006, n° 02-10.602 ; Cass.Com., 24 mars 2009, n° 08-13.034 ; Cass.Civ3., 12 avril.2018, n° 17-17.542.

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