Le retour du salarié détaché dans son poste d’origine ne saurait être considéré comme une modification du contrat de travail.

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

 

 

SOURCE : Cass Soc., 24 juin 2015, Arrêt n° 1083 FS-P+B (n° 13-25.522).

 

Un salarié avait été recruté en qualité de responsable administratif et comptable par un contrat à durée indéterminée le 03 mai 2004 par une grosse entreprise nationale, le contrat précisant une affectation du salarié à l’agence de NANTERRE, pour prendre ses fonctions dans une filiale située à LA REUNION à compter du 10 mai 2004.

 

Etait également signé entre l’employeur et le salarié un contrat de détachement prévoyant que la durée de mission était fixée à 2 années renouvelables et précisant que la mission pouvait être interrompue à tout moment, mais aussi prolongée pour assurer la bonne fin des travaux.

 

Cette mission va, en réalité, durer 4 années et par courrier en date du 16 mai 2008, le salarié s’est vu notifier la fin du détachement et un rappel en Métropole sur son lieu d’affectation initiale, savoir l’agence de NANTERRE.

 

Le courrier laissait, toutefois, quelques mois au salarié afin de lui permettre d’organiser son rapatriement dans de bonnes conditions et de lui laisser un délai suffisant pour mettre en œuvre le déménagement nécessaire et procéder aux formalités administratives requises.

 

Par ailleurs, le courrier précisait que la rémunération du salarié, ainsi que sa classification demeureraient inchangées dans le cadre de sa réintégration dans les effectifs de la société à NANTERRE.

 

Toutefois, par courrier recommandé du 08 août 2008, la salarié a fait savoir à son employeur qu’il refusait de rejoindre le poste, considérant que ce rattachement à l’agence de NANTERRE représentait une modification importante de ses fonctions, précisant qu’en réalité, il souhaitait rester travailler à LA REUNION.

 

C’est ainsi que pendant tout l’été 2008, employeur et salarié vont échanger des courriers recommandés avec accusé de réception, l’employeur demandant invariablement au salarié de rejoindre le poste d’affectation sur NANTERRE pour le 1er octobre 2008, ce que refusait le salarié obstinément.

 

C’est ainsi que le salarié était convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement pour faute grave, décision confirmée par la notification du licenciement le 22 octobre 2008.

 

Par suite, le salarié contestant son licenciement a saisi le Conseil des Prud’hommes de SAINT DENIS DE LA REUNION qui va débouter le salarié de l’ensemble de ses demandes.

 

Le salarié va interjeter appel de cette décision, invoquant la nullité du contrat de détachement, ce qui lui permettait de prétendre avoir été directement salarié de la filiale réunionnaise de la société l’ayant embauché.

 

Mais la Cour d’Appel de SAINT DENIS DE LA REUNION ne va pas suivre le salarié dans son argumentation et va le débouter de sa demande en nullité du contrat de détachement, tout en considérant que le licenciement pour faute grave était fondé.

 

Par suite, le salarié se pourvoit en Cassation.

 

A l’appui de son pourvoi, il reproche tout d’abord à l’Arrêt d’Appel de l’avoir débouté de sa demande de reconnaissance de l’existence d’un contrat de travail conclu directement avec la société filiale de la Société, alors qu’il s’était trouvé, en fait, pour l’exécution de son travail dans un lien de subordination à l’égard de cette société au sein de laquelle il exerçait son activité à LA REUNION qui avait, pendant 4 ans, exercé sur lui les pouvoirs d’un employeur et avait rompu de fait cette relation de relation de travail en lui interdisant l’accès à ces locaux.

 

Mais la Chambre Sociale ne va pas suivre l’argumentation du salarié sur ce point, considérant qu’après avoir relevé que la lettre d’engagement avait été signée par la société nationale et que salarié avait été mis à la disposition de la société réunionnaise dans le cadre d’un détachement dont elle a écarté la nullité, la Cour d’Appel a pu dénier la portée des seuls éléments matériels d’intervention de la société réunionnaise.

 

Par ailleurs, toujours à l’appui de son pourvoi, le salarié reproche à l’Arrêt d’Appel de l’avoir débouté de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail, alors qu’on ne pouvait lui reprocher de lui avoir refusé la modification de son contrat de travail que l’employeur tentait de lui imposer, en lui imposant une mutation hors de son secteur géographique d’activité et qu’en outre le simple refus d’une modification de ses conditions de travail ne constituait pas à lui seul une faute grave.

 

Mais là encore la Chambre Sociale ne va pas suivre le salarié dans son argumentation.

 

Relevant que la Cour d’Appel, après avoir fait ressortir que les missions confiées au salarié au cours de son détachement comme à l’issue de celui-ci, correspondaient à ses responsabilités et fonctions de responsable administratif et financier, elle a exactement décidé que la réintégration de l’intéressé dans un emploi en région parisienne qui ne résultait pas de la mise en œuvre d’une clause de mobilité géographique, mais du terme du détachement, ne constituait pas une modification du contrat de travail nécessitant son accord, et que la Cour a pu décider que le refus délibéré renouvelé du salarié d’intégrer à l’issue de sa période de détachement l’agence qui avait été choisie d’un commun accord entre les parties lors de l’engagement, constituait une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

 

Par suite, la Chambre Sociale rejette le pourvoi.

 

Christine MARTIN

Associée

Vivaldi-Avocats

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