SCI : augmenter le capital social afin de diluer un minoritaire caractérise un abus de majorité.

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

 

 

SOURCE : 3ème civ, 08 juillet 2015, n° 833 FS-P+B (n° 13-14.348).

 

Une SCI familiale avait été constituée le 22 novembre 1973 pour acquérir et exploiter un immeuble situé rue Clément Marot à PARIS dans le 8ème arrondissement.

 

Par acte du 28 juin 2007, deux associés de la SCI ont cédé leurs parts représentant les 2/3 du capital social à une société, filiale à 100 % d’une société foncière cotée spécialisée dans l’immobilier haut de gamme.

 

En conséquence, à l’issue de cette cession, la société nouvellement associée devenait majoritaire car détenant 2/3 des parts de la SCI, tandis que l’associé fondateur restant n’en détenait plus qu’un tiers.

 

Une Assemblée Générale Extraordinaire a décidé, le 15 janvier 2009, d’une augmentation du capital social de la SCI destinée à financer le coût de travaux à entreprendre avant de remettre l’immeuble en location, d’un montant de 1 543 200 €.

 

Cette augmentation de capital a été réalisée avec droit préférentiel de souscription et sans prime d’émission par création de 15 432 parts nouvelles de 100 € de valeur nominale, qui ont été souscrites en totalité par l’associé majoritaire.

 

Puis une nouvelle Assemblée Générale Extraordinaire de la SCI réunie, cette fois, le 30 mars 2009 va modifier l’objet de la SCI pour qu’il soit fait référence à la gestion de tous immeubles et biens immobiliers et que la cession d’immeuble soit explicitement prévue.

 

C’est ainsi que le 15 avril 2009 suivant, la SCI va signer une promesse synallagmatique de vente de l’immeuble pour un prix de 17 millions d’euros et que l’acte définitif de vente était signé le 09 juin 2009.

 

Les Assemblées Générales ultérieures d’approbation des comptes pour les années 2010, 2011 et 2012 vont affecter la totalité du résultat en réserve, de sorte qu’aucun dividende n’était distribué.

 

Face à cette situation, l’associé minoritaire va assigner la SCI et l’associé majoritaire en nullité des assemblées pour cause d’abus de majorité, prétendant que l’augmentation de capital n’avait eu pour autre objet que de diluer sa part dans le capital social avant que l’immeuble ne soit vendu.

 

La Cour d’Appel de PARIS, dans un Arrêt du 22 janvier 2013, va accueillir l’essentiel des demandes de l’associé minoritaire.

 

Par suite, le majoritaire se pourvoit en Cassation. Mais la Haute Cour va confirmer le raisonnement adopté par les juges du fond.

 

Relevant que l’Arrêt d’Appel souligne que l’augmentation de capital avait eu pour effet de réduire la part du minoritaire d’un tiers du capital social à 11,1 % après l’opération, qu’alors que l’augmentation de capital était exclusivement justifiée par la nécessité de financer le coût de travaux de rénovation, ces travaux n’avaient été finalement réalisés qu’à hauteur de   5,90 %, que la SCI avait régularisé une promesse de vente avec un tiers le 15 avril 2009, l’acte de vente ayant été signé le 09 juin suivant, que dès le 12 mars 2009, une Assemblée Générale était convoquée aux fins de modification des statuts pour permettre la cession de l’immeuble et que l’ensemble des diagnostics obligatoires à la charge du vendeur, tous datés de la mi-mars, établissait qu’à la date à laquelle l’Assemblée Générale du 16 janvier 2009 ayant décidé de l’augmentation de capital, le principe d’une vente de l’immeuble à très court terme était déjà acquis, de sorte que la Cour d’Appel a pu en déduire que l’augmentation de capital était contraire à l’intérêt social, dès lors qu’elle se trouvait sans cause légitime et n’avait pour seul objet que de diluer la participation de l’associé minoritaire avant que le produit de la vente ne soit perçu par la SCI, la Cour d’Appel a légalement justifié sa décision d’annuler la délibération pour abus de majorité.

 

Soulignant ensuite, pour ce qui concerne la nullité de la résolution de l’Assemblée Générale du 30 mars 2009 relative à la modification de l’objet social, que l’Arrêt d’Appel a exactement retenu que le principe d’unanimité, sauf clause contraire, pour modifier les statuts, posé par l’article 1836 du Code Civil, relevait des dispositions impératives du titre visé par l’article 1844-10 du même Code, la Cour d’Appel en a déduit à bon droit que la méconnaissance des règles statutaires de majorité renforcée requise pour la modification des statuts était sanctionnée par la nullité.

 

Relevant enfin que la décision systématique de report de la totalité du bénéfice privait sur plusieurs exercices l’associé minoritaire de la perception de tout dividende, alors que de surcroît, l’objet social de la SCI, cantonné à l’achat et à la gestion d’un seul bien immobilier, désormais vendu, ne justifiait pas la réalisation de nouveaux investissements, et que les décisions prises ne pouvaient s’autoriser ni de l’objet social, ni des perspectives financières de la SCI, ayant eu pour seul objet d’affecter la totalité de la trésorerie de la SCI à des avances au bénéfice de l’associé majoritaire au détriment de l’associé minoritaire, la Cour d’Appel a légalement justifié sa décision d’annulation de ces résolutions pour abus de majorité.

 

Par suite, la Haute Cour rejette le pourvoi.

 

Christine MARTIN

Associée

Vivaldi-Avocats

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