Prêt immobilier consenti par un employeur à son salarié : quelle incidence en cas de démission ?

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

SOURCE : Arrêt de la 1èreChambre Civile de la Cour de Cassation du 05 juin 2019, n° 16-12.519 (FS-P+B+I).

 

Par acte signé en date du 17 mars 1995, un salarié s’était fait consentir par son employeur un prêt immobilier, d’un montant total de 57 625 € remboursable en 240 mensualités, afin de favoriser son accession à la propriété.

 

L’article 7 du contrat conclu entre l’employeur et le salarié prévoyait expressément que le contrat serait résilié de plein droit à la date de l’événement, en cas de cessation d’appartenance, pour quelle que cause que ce soit, de l’emprunteur au personnel de l’entreprise.

 

Le salarié ayant démissionné de l’entreprise à compter du 1er janvier 2002, son employeur l’a assigné en paiement de la somme restant due à cette date au titre du capital et des intérêts restants dûs, outre une somme au titre de la clause pénale.

 

Pour s’opposer à la demande de constat de résiliation de plein droit du contrat de prêt, le salarié va prétendre que cette clause est abusive en se fondant sur les dispositions de l’article L.132-1 du Code de la Consommation, aux termes duquel, dans les contrats conclus entre professionnel, et non professionnels, ou consommateurs, sont abusives et donc réputées non écrites les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du non professionnel ou  du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

 

La Cour d’Appel de SAINT DENIS DE LA REUNION, dans un Arrêt du 12 septembre 2014, va faire droit à la demande de l’employeur, considérant que les dispositions de l’article L.132-1 du Code de la Consommation ne sont pas applicables au prêt en cause, dès lors qu’il s’agissait d’un prêt consenti par un employeur à son salarié en raison du contrat de travail.

 

La Cour d’Appel considère donc que l’employeur n’est pas un professionnel au sens de cet article, même s’il existe, en son sein, un département particulier gérant les avances au personnel et que le salarié qui en a bénéficié n’a pas la qualité de consommateur au sens du même texte. La Cour d’Appel précise en outre que la clause de résiliation de plein droit s’inscrit dans un contrat qui présente des avantages pour le salarié équilibrant la clause de résiliation de plein droit.

 

Ensuite de cette décision, le salarié forme un pourvoi en Cassation.

 

Bien lui en prit, puisqu’au visa de l’article L.132-1 du Code de la Consommation et de l’Arrêt du 19 mars 2019 (C-590/17) de la Cour de Justice l’Union Européenne, la 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation va considérer au contraire que l’employeur doit être considéré comme un professionnel lorsqu’il conclut un contrat de crédit dans le cadre de son activité professionnelle, même si consentir des crédits ne constitue pas son activité principale, quand bien même il existerait en son sein un département particulier gérant les avances au personnel et considérer que le salarié d’une entreprise qui conclut avec celle-ci un contrat de crédit réservé à titre principal aux membres du personnel destiné à financer l’acquisition d’un bien immobilier à des fins privées, doit être considéré comme un consommateur.

 

Par suite, considérant que la résiliation de plein droit du contrat de prêt pour une cause extérieure à ce contrat afférent à l’exécution d’une convention distincte, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement et à une modification substantielle de l’économie du contrat de prêt, la 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation casse et annule en toutes ses dispositions l’Arrêt rendu le 12 septembre 2014 par la Cour d’Appel de SAINT DENIS DE LA REUNION.

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