Vol d’une carte bleue délivrée par un opérateur non bancaire

Jacques-Eric MARTINOT
Jacques-Eric MARTINOT - Avocat

Source : Cass.Com., 1er juillet 2021, n° 19-21418 F – B

 

Une société met à disposition d’une entreprise possédant une flotte de bus une carte dite « carte carburant » permettant le paiement des pleins de carburant, péages et autres services liés à son activité. Il s’agit en réalité d’un préfinancement refacturé par la suite.

 

Des cartes seront dérobées dans plusieurs véhicules, les voleurs en faisant un usage assidu. La société bénéficiaire refusera de s’acquitter des sommes débitées et sera assignée par l’émetteur de la carte.

 

Refus de la Cour d’appel qui fait application des dispositions du Code monétaire et financier, et plus précisément l’article L133-19 qui prévoit :

 

« I.– En cas d’opération de paiement non autorisée consécutive à la perte ou au vol de l’instrument de paiement, le payeur supporte, avant l’information prévue à l’article L. 133-17, les pertes liées à l’utilisation de cet instrument, dans la limite d’un plafond de 50 €.

 

Toutefois, la responsabilité du payeur n’est pas engagée en cas :

 

– d’opération de paiement non autorisée effectuée sans utilisation des données de sécurité personnalisées ;

 

– de perte ou de vol d’un instrument de paiement ne pouvant être détecté par le payeur avant le paiement ;

 

– de perte due à des actes ou à une carence d’un salarié, d’un agent ou d’une succursale d’un prestataire de services de paiement ou d’une entité vers laquelle ses activités ont été externalisées.

 

II.  – La responsabilité du payeur n’est pas engagée si l’opération de paiement non autorisée a été effectuée en détournant, à l’insu du payeur, l’instrument de paiement ou les données qui lui sont liées.

 

Elle n’est pas engagée non plus en cas de contrefaçon de l’instrument de paiement si, au moment de l’opération de paiement non autorisée, le payeur était en possession de son instrument.

 

III  – Sauf agissement frauduleux de sa part, le payeur ne supporte aucune conséquence financière si le prestataire de services de paiement ne fournit pas de moyens appropriés permettant l’information aux fins de blocage de l’instrument de paiement prévue à l’article L. 133-17.

 

IV  – Le payeur supporte toutes les pertes occasionnées par des opérations de paiement non autorisées si ces pertes résultent d’un agissement frauduleux de sa part ou s’il n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations mentionnées aux articles L. 133-16 et L. 133-17.

 

V  – Sauf agissement frauduleux de sa part, le payeur ne supporte aucune conséquence financière si l’opération de paiement non autorisée a été effectuée sans que le prestataire de services de paiement du payeur n’exige une authentification forte du payeur prévue à l’article L. 133-44.

 

VI  – Lorsque le bénéficiaire ou son prestataire de services de paiement n’accepte pas une authentification forte du payeur prévue à l’article L. 133-44, il rembourse le préjudice financier causé au prestataire de services de paiement du payeur.»

 

Il faut cependant examiner la décision à la lettre du texte et plus particulièrement sur le fait que ce texte s’applique aux instruments bancaires classiques.

 

La Cour de cassation le précisera par ailleurs dans son attendu :

 

« Vu les articles L. 133-1, L. 133-19 et L. 521-3, I, du code monétaire et financier :

 

6.  Si, selon le troisième de ces textes, par exception au monopole des prestataires de services de paiement, une entreprise peut fournir des services de paiement fondés sur des moyens de paiement qui ne sont acceptés, pour l’acquisition de biens ou de services, que dans les locaux de cette entreprise ou, dans le cadre d’un accord commercial avec elle, dans un réseau limité de personnes acceptant ces moyens de paiement, ou pour un éventail limité de biens ou de services, cette entreprise n’appartient pas pour autant à la catégorie des prestataires de services de paiement, de sorte que, par application du premier de ces textes, les dispositions du deuxième ne lui sont pas applicables. »

 

La Cour écarte donc les dispositions protectrices du Code monétaire et financier, la carte de paiement n’étant pas une « carte bancaire classique ».

 

C’est en réalité une application des dispositions de l’article L133-1 du même code précisant :

 

« I. – Dans les conditions prévues aux II à IV les dispositions du présent chapitre s’appliquent aux services de paiement fournis par les prestataires de services de paiement mentionnés au livre V dans le cadre des activités définies au II de l’article L. 314-1. »

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