Harmonisation et proportionnalité : Les nouvelles sanctions d’un TEG erroné.

Jacques-Eric MARTINOT
Jacques-Eric MARTINOT - Avocat

Source : Ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019.

 

I – L’ordonnance.

 

Il découle de la loi du 10 aout 2018 dite « pour un Etat au service d’une société de confiance » l’ordonnance du 17 juillet 2019 réformant les sanctions civiles du TEG en apportant une harmonisation de ces dernières.

 

La lecture de cette ordonnance montre un régime de sanction unique applicable en cas d’erreur ou de défaut du TEG dans les documents précontractuels d’information ainsi que dans tous documents valant contrat.

 

Il faut tout de suite remarquer l’application de cette ordonnance tant aux contrats de crédit à la consommation qu’aux contrats de crédit immobilier.

 

Quelle est donc cette sanction ? C’est la faculté pour le juge de prononcer la déchéance du droit aux intérêts du prêteur en se fondant sur le préjudice subi par l’emprunteur.

 

II – Le Taux effectif global

 

Le TEG n’est pas un taux d’intérêts mais une accumulation dont le but est représenté le cout total du crédit pour l’emprunteur lui permettant d’établir une comparaison entre les crédits, possédant les mêmes caractéristiques, proposés par des établissements bancaires à un instant donné.

 

Le banquier devait donc indiquer tant le taux conventionnel que le taux effectif global.[1]

 

Le texte précisait d’ailleurs :

 

« Le taux effectif global déterminé selon les modalités prévues aux articles L. 314-1 à L. 314-4 est mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt régi par la présente section. »[2]

 

III – Un régime de sanction mieux proportionné.

 

Avant de parler de nouveauté, il est nécessaire de faire un point sur le passé.

 

III – 1. L’avant.

 

La pratique des dossiers relatifs au TEG montre qu’est recherchée la nullité de la clause conventionnelle d’intérêts par le jeu de l’article 1907 du Code civil, règle qui s’avère incohérente à la pratique.

 

Si cette jurisprudence incohérente était parfois suivie par les tribunaux, elle favorisait les emprunteurs, faut-il l’avouer, parfois de mauvaise foi.

 

Évidemment, une explication s’impose sauf à provoquer l’ire d’un lecteur non averti.

 

Si à travers les articles déjà publiés, Vivaldi Avocats a déjà pu démontrer le préjudice réel sur les « clauses 360 », il faut pour le TEG avoir un raisonnement semblable.[3]

 

L’emprunteur profitait souvent d’une erreur ou d’une absence de TEG pour tenter d’obtenir, sans grand succès, la nullité de la clause d’intérêts. Cette nullité aboutissait à une réduction sans commune mesure de la dette de ce dernier et par voie de conséquence provoquait un préjudice économique important de la banque du fait de l’accumulation de ce contentieux d’aubaine.

 

Fallait-il constater à l’image de l’article précité que le préjudice était pourtant minime… contraignant la Cour de cassation à se saisir du débat pour placer des gardes fous.

 

III – 2. L’ordonnance

 

L’ordonnance prévoit ainsi que le juge peut prononcer la déchéance du droit aux intérêts en se fondant notamment sur le préjudice subi par l’emprunteur.

 

Cette sanction apparait proportionnée, vidant la sanction du Code de la consommation (déchéance totale du droit aux intérêts à compter de la signature du contrat sans pouvoir d’appréciation du juge) ou la sanction jurisprudentielle (substitution du taux d’intérêt légal et restitution des éventuels excédents).

 

III – 3. Un rôle central attribué au magistrat.

 

Le magistrat est placé au centre du débat puisque le juge est invité à prendre en compte le préjudice subi pour déterminer la sanction, mais pas seulement…

 

Si on pouvait y voir une difficulté dans l’administration de la preuve, force est de constater que l’emprunteur ne se verra pas imposer une démonstration de son préjudice pour obtenir une remise totale, ou partielle, des intérêts par la présence de l’adverbe « notamment ».

 

Si l’on constater une baisse de ce contentieux d’aubaine, il sera curieux de voir l’évolution de ce contentieux et des décisions rendues à l’application de cette ordonnance.

 

[1] Cass.Civ.1., 19 février 2013, n°12-14381

 

[2] Article L314-5 du Code de la consommation

 

[3] http://vivaldi-chronos.com/banque-credit-banque-credit/teg/teg-clause-360/clause-360-baguette-magique-du-debiteur/

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