Crédit professionnel et prescription de l’action de la Banque : gare à la qualité du coemprunteur

Jacques-Eric MARTINOT
Jacques-Eric MARTINOT - Avocat

Source : Cass.Civ.1., 20 mai 2020, n°19-13461, n°347 P+B

 

Les relations entre professionnels et consommateur sont régies par le Code de la consommation, notamment pour les règles de prescription. En effet, la prescription sera biennale.

 

Dans son arrêt, la Cour revient sur la notion de consommateur.

 

Comme l’on peut le voir régulièrement en traitant le contentieux bancaire, une banque octroie un prêt professionnel à deux époux ainsi qu’une ouverture de crédit par découvert en compte.

 

Suite à des impayés, la banque procèdera à la saisie des rémunérations. Contestation sera faite au motif de la prescription biennale édictée par l’article L218-2 du Code de la consommation.

 

La Cour d’appel jugera l’action prescrite. Le prêt professionnel a été accordé aux époux pour le besoin de l’activité professionnelle de l’époux uniquement. Il en résulte que l’épouse est intervenue au contrat en tant que consommateur et donc répondant à la prescription biennale.

 

La Banque forme alors un pourvoi.

 

La stratégie de la banque apparait clairement. Étant coemprunteur, l’épouse doit être reconnue comme professionnelle, la prescription n’étant plus biennale, mais quinquennale.

 

La particularité en l’espèce est que les deux époux sont coemprunteurs et que l’objet du prêt est l’activité professionnelle de l’époux uniquement.

 

La Cour doit donc qualifier l’épouse et lui appliquer un régime de prescription.

 

La Cour précisera dans son attendu :

 

« 4. Aux termes de ce texte, l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans. Il en résulte que cette prescription ne s’applique pas aux actions fondées sur un prêt consenti pour les besoins d’une activité professionnelle.

 

5. Pour déclarer prescrite la demande de la banque, après avoir constaté que les actes des 8 septembre 2000, 25 août et 2 octobre 2003 avaient été conclus pour les besoins de l’activité professionnelle de M. X…, viticulteur, et que Mme X… était étrangère à cette

 

activité, l’arrêt retient que celle-ci, intervenue aux actes en tant que consommateur, pouvait se prévaloir des dispositions prévues par l’article L. 137-2, devenu L. 218-2 du code de la consommation.

 

6. En statuant ainsi, alors qu’est sans effet sur la qualification professionnelle d’un crédit la circonstance qu’un coemprunteur est étranger à l’activité pour les besoins de laquelle il a été consenti, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

 

PAR CES MOTIFS, la Cour :

 

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 8 janvier 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Dijon ; »

 

La Cour rappellera dans un premier temps le principe de la prescription biennale pour les consommateurs en vertu des dispositions précitées et énoncera l’exception, savoir le prêt professionnel.

 

Si la Cour répond que la qualité du coemprunteur est sans effet sur la nature du prêt !

 

Si la Code de la consommation définit immédiatement le consommateur comme « toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale » il ne faut pas raisonner trop vite en l’espèce.

 

Si le Code de la consommation pose une définition claire, il précise également que la seule situation du contractant n’est pas toujours suffisante à déterminer l’application des dispositions du Code de la consommation.

 

Reprenons les dispositions de l’article L311-1 : « Au sens du présent chapitre, sont considérés comme :

 

« 1° Prêteur, toute personne qui consent ou s’engage à consentir un crédit mentionné à l’article L. 311-2 dans le cadre de l’exercice de ses activités commerciales ou professionnelles ; 

 

2° Emprunteur ou consommateur, toute personne physique qui est en relation avec un prêteur, dans le cadre d’une opération de crédit réalisée ou envisagée dans un but étranger à son activité commerciale ou professionnelle ; »

 

C’est donc la finalité de l’opération qui sera déterminant pour qualifier un emprunteur de professionnel où de consommateur.

 

La Cour de cassation a déjà confirmé ce principe en estimant :

 

« Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de rejeter ses contestations et de valider la saisie-attribution, alors, selon le moyen, que l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention ; que le créancier titulaire d’un titre exécutoire notarié pouvant interrompre le délai de prescription par l’engagement d’une mesure conservatoire ou d’une mesure d’exécution forcée, la volonté d’interrompre ce délai ne saurait justifier, en elle-même, l’introduction d’une action en paiement au fond dans le seul but d’interrompre la prescription ; qu’en jugeant que la prescription aurait été interrompue par les conclusions signifiées par la banque dans le cadre de l’instance au fond le 9 avril 2010, cependant qu’elle avait constaté que l’action en paiement n’avait été intentée qu’afin de prévenir l’accomplissement de la prescription, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et a violé l’article 31 du code de procédure civile ;

 

Mais attendu que, la cour d’appel ayant retenu que la créance de la banque était soumise à la prescription quinquennale, le moyen, qui s’attaque à des motifs surabondants, ne peut être accueilli ; »

 

La Cour en l’espère réaffirme cette conception. L’affectation professionnelle du prêt est suffisante pour qualifier l’emprunteur et les coemprunteurs de professionnel et les soumettre en conséquence à la prescription quinquennale.

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