Crédit à la consommation, assurance emprunteur et forclusion biennale

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

Source : Cass. civ. 1ère, 6 janvier 2021, n° 19-11.262, F-P

 

I – Les textes en question

 

L’article R. 312-35 du Code de la consommation précise que :

 

« Le tribunal judiciaire connaît des litiges nés de l’application des dispositions du présent chapitre. Les actions en paiement engagées devant lui à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion )…) le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé  ».

 

Ce délai peut être interrompu dans certaines circonstances (réaménagement ou au rééchelonnement des modalités de règlement, surendettement des particuliers). L’arrêt ci-commenté complète les hypothèses légales et jurisprudentielles d’interruption du délai de forclusion en matière de crédit à la consommation.

 

I – L’espèce

 

Le 29 janvier 2008, une banque consent deux prêts de 21.000,00 € et 14.000,00 € garantis par une assurance souscrite auprès d’un assureur. L’emprunteur fait par la suite l’objet d’une procédure de traitement de sa situation de surendettement. Par décision du 28 février 2013, la commission de surendettement impose des mesures de redressement à compter du 31 mars 2013. Mais l’emprunteur n’effectuera aucun remboursement et l’assureur va, au titre de la garantie invalidité, réglé à la banque la somme totale de 2.529,75 €.

 

Par acte du 3 août 2015, la banque assigne l’emprunteur en remboursement du solde des prêts. Cette dernière lui opposé la forclusion de son action. La cour d’appel d’Amiens va, par une décision du 27 septembre 2018, déclarer recevable la demande en paiement de l’établissement prêteur et condamner l’emprunteur au paiement d’une certaine somme. Cette dernière va alors former un pourvoi en cassation.

 

II – Le pourvoi

 

L’emprunteur indique d’abord dans le second moyen du pourvoi pris en sa première branche que la régularisation d’un incident de paiement ne peut résulter du paiement fait par l’assureur-emprunteur, c’est-à-dire un paiement fait par un tiers.

 

La seconde branche du moyen précisait qu’en toute hypothèse, les paiements partiels d’une dette unique s’imputent d’abord sur les intérêts. Dès lors, en retenant, pour juger que la banque n’était pas forclose, que la somme des paiements réalisés par l’assureur-emprunteur devait s’imputer sans distinction sur les premières échéances impayées après mise en œuvre du plan de surendettement, tout en constatant que des échéances plus récentes demeuraient impayées, de sorte que les paiements partiels devaient être imputés en priorité sur l’intégralité des intérêts impayés avant de pouvoir être imputés sur le capital, la cour d’appel aurait violé l’article 1254 du Code civil, dans sa rédaction applicable à l’espèce (« Le débiteur d’une dette qui porte intérêt ou produit des arrérages ne peut point, sans le consentement du créancier, imputer le paiement qu’il fait sur le capital par préférence aux arrérages ou intérêts : le paiement fait sur le capital et intérêts, mais qui n’est point intégral, s’impute d’abord sur les intérêts. »).

 

Enfin, la troisième branche du moyen arguait qu’en toute hypothèse, lorsque l’assurance-emprunteur ne couvre qu’une fraction des échéances du prêt, les paiements successifs réalisés par l’assureur doivent s’imputer sur chacune des échéances dont il s’agit de garantir le paiement. Dès lors, en retenant, pour juger que la banque n’était pas forclose, que la somme des paiements réalisés par l’assureur-emprunteur devait s’imputer sur les premières échéances impayées après mise en œuvre du plan de surendettement, quand ces paiements devaient s’imputer sur chacune des échéances dont le paiement était partiellement garanti, de sorte qu’aucune des échéances dues à partir d’avril 2013 ne pouvait être considérée comme régularisée, la cour d’appel aurait violé l’article 1254 du Code civil, dans sa rédaction applicable à l’espèce, et l’article L. 311-37, devenu l’article L. 311-52 puis R. 312-35, du Code de la consommation.

 

La Cour de cassation rejette le pourvoi, pour considérer d’abord qu’« un paiement effectué par l’assureur, substitué à l’assuré, valant paiement de la dette de ce dernier, permet d’écarter l’existence d’un incident de paiement non régularisé ». Dès lors, après avoir relevé que la somme de 2.529,75 € avait permis le paiement intégral des échéances des mois d’avril, mai, juin et juillet 2013 et le paiement partiel de l’échéance du mois d’août et que l’échéance du 30 août 2013 constituait le premier incident de paiement non régularisé, la cour d’appel en a déduit, à bon droit, que l’action de la banque était recevable.

 

Le point de départ du délai de forclusion s’imposant au prêteur peut donc être retardé lorsqu’il vient à agir contre l’emprunteur défaillant, qui a bénéficié de l’assurance emprunteur. C’est semble-t-il la première fois que la Haute juridiction se prononce ainsi. Elle apporte une précision de plus sur le régime de forclusion du crédit à l consommation, dont le texte légal n’a pas anticipé toutes les subtilités possibles.

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