Source : Cour de Cassation Soc 5 Janvier 2022 n° 20- 16172
Il résulte des termes de l’article L 3171-4 du Code du Travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ».
La jurisprudence en matière d’heures supplémentaires est foisonnante ; il a été très longtemps décidé qu’il appartenait au salarié d’apporter des éléments précis de nature à étayer sa demande. Par une décision en date du 18 mars 2020[1], la Cour de Cassation marquant une évolution de sa jurisprudence , a abandonné la notion d’étaiement.
Elle a justifié cet abandon en précisant dans sa note explicative que celle-ci était source de confusion avec celle de preuve.
L’arrêt ci-dessus référencé s’inscrit dans le prolongement de cette décision.
La problématique portait l’inversion de la charge de la preuve par la Cour d’Appel qui avait jugé que les éléments apportés par le salarié n’étaient pas suffisamment précis.
En l’occurrence, un salarié embauché en qualité de directeur commercial dans une entreprise armateur maritime et engagée dans un projet de développement d’une activité d’immersion et de stockage de vin sous l’eau , est licencié pour création d’une société concurrente, défaut d’information et de demande d’autorisation de son employeur
Il saisit la juridiction prud’homale d’une demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif et soumis à un forfait de durée du travail de 218 jours réclame l’annulation de son forfait et le paiement d’heures supplémentaires.
Il produit :
Des feuilles d’enregistrement de ses heures de travail faisant apparaître une amplitude horaire de 9 heures de travail par jour et sur la base de 45 heures hebdomadaires
Il ne fait pas mention du début et de la fin de sa journée de travail.
Un tableau récapitulant des heures de transmission de certains mails
Deux attestations
La Cour d’Appel juge que le licenciement n’est pas fondé sur une faute grave et rejette la demande de paiement des heures supplémentaires en considérant que le salarié n‘a pas fourni d’éléments précis .
Le salarié forme un pourvoi en relevant s’agissant des heures supplémentaires, que la Cour a fait porter son analyse sur les seuls documents qu’il produit, et fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié.
Si la Cour de Cassation considère qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le licenciement et les circonstances de la rupture, elle censure la décision de la Cour d’Appel relative aux heures supplémentaires.
Elle rappelle que :
Lorsque tous les salariés ne sont pas employés selon un même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée du travail
Il résulte de l’article L 3171-4 du Code du Travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit tous les élément de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié
Il appartient au salarié d’apporter des éléments suffisamment précis
La Cour de Cassation juge que le salarié apportant des éléments suffisamment précis et l’employeur ne produisant aucun élément de contrôle de la durée du travail, la décision doit être cassée.
Si le salarié doit apporter des précisions, il n’est nul besoin que ces précisions soient extrêmement détaillées .
[1] Cass. soc., 18 mars 2020, n° 18-10.919