A quel moment les tracts syndicaux peuvent-ils être distribués dans l’entreprise ?  

Thomas T’JAMPENS
Thomas T’JAMPENS

SOURCE : Arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 5 janvier 2022, n°20-15.005

 

Un accord d’entreprise permettait aux salariés de prendre leur pause déjeuner selon une plage d’horaires variables de travail. Au cours de cet pause, un délégué syndical se place au niveau d’un protique d’accès afin de procéder à la distribution de tracts.

 

Lors de la distribution, deux représentants de l’employeur (le chef d’établissement et le DRH), sollicite l’arrêt de l’opération estimant qu’elle ne pouvait se tenir durant ces horaires.

 

En effet, l’article L2142-4 du Code du travail, pose le principe selon lequel : « Les publications et tracts de nature syndicale peuvent être librement diffusés aux travailleurs de l’entreprise dans l’enceinte de celle-ci aux heures d’entrée et de sortie du travail. ».

 

En conséquence, retenant une application stricte du texte, l’employeur soutenait que la plage horaire de la pause déjeuner ne correspondait pas aux heures prévues par le texte.

 

Le syndicat avait alors saisi le Tribunal de Grande Instance aux fins de reconnaitre que les horaires mentionnés dans l’accord d’entreprise, correspondent aux heures d’entrée et de sortie, mais également afin d’obtenir des dommages et intérêts pour discrimination syndicale.

 

La Cour d’appel a relevé, que d’autres syndicats étaient autorisés à communiquer au moyen d’une pochette munie de tracts et disposée sur le panneau d’affichage, de sorte, que les salariés de l’entreprise puissent s’en procurer spontanément.

 

Les juges rappellent également, que la distribution syndicale dans l’enceinte de l’entreprise ne se limite pas aux accès de cette dernière, mais peut se faire en d’autres endroits, dès lors qu’elle est assurée dans des conditions telles que l’exécution normale du travail ou de marche de l’entreprise ne puissent en être troublées[1].

 

Par conséquent, la distribution n’était pas litigieuse, l’employeur ne démontrant pas l’entrave à la circulation, donc en empêchant la poursuite de la distribution, l’employeur a commis des actes discriminatoires.

 

L’employeur formait un pourvoi en cassation, fondant son argumentation sur plusieurs anciennes décisions de la Chambre sociale de la Cour de cassation, lesquelles avaient exclu la possibilité de distribution de tracts et communications syndicales, sur les temps de pause accordés sur le lieu de travail[2] ou encore sur les temps de repas pris dans l’entreprise[3].

 

Pour autant, la Chambre sociale de la Cour de cassation va, à travers de l’arrêt commenté, élargir le champ d’exercice de la liberté d’expression syndicale.

 

En effet, elle considère que les communications syndicales peuvent être librement distribuées durant une plage d’horaires variables au cours de laquelle chaque salarié peut choisir ses heures d’arrivée et de départ.

 

Se faisant, la Haute Juridiction assimile donc cette plage variable aux heures d’entrée et de sortie du travail telles que définies par le code du travail pour finalement autoriser la diffusion de communications syndicales.

 

[1] Cass. Crim. 30 janvier 1973, n° 72-91.807 et Cass. Crim. 27 novembre 1973 n° 73-90.495

 

[2] Soc. 8 juill. 1982, nº 81-14.176

 

[3] Soc. 20 oct. 1988, nº 85-46.046

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