Rupture transactionnelle suivie d’une transaction : quel régime fiscal pour l’indemnité ?

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

SOURCE : arrêt du Conseil d’Etat 3ème, 8ème Chambres réunies du 21 juin 2021, n°438532

 

Après avoir exercé en tant que joueur jusqu’au 30 juin 2004, un salarié a été engagé de Directeur sportif d’une société sportive professionnelle dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée.

 

Après la saison sportive 2011/2012, le salarié et la société ont signé le 28 juin 2012 une rupture conventionnelle comportant le versement d’une indemnité spécifique de rupture conventionnelle d’un montant de 738.749€.

 

Il a été signé ensuite entre la société et le salarié en date du 31 août 2012 un protocole d’accord transactionnel, prévoyant le versement au salarié d’une indemnité transactionnelle d’un montant de 430.873€ bruts, ainsi qu’un protocole additionnel du même jour prévoyant une compensation entre cette indemnité transactionnelle et un prêt de 300.000€ qui lui avait été consenti par l’employeur.

 

A la suite d’un contrôle sur pièces, l’administration fiscale a estimé que si l’indemnité versée au titre de la rupture conventionnelle n’était pas imposable, il y avait en revanche lieu de rectifier les revenus salariaux déclarés par le salarié au titre de l’année 2012 en y intégrant une somme 400.000€ correspondant au complément d’indemnité transactionnelle.

 

Après procédure contradictoire, les impositions supplémentaires résultant de cette rectification assorties d’une majoration de 40% pour manquement délibéré ont été mises en recouvrement le 30 septembre 2014 pour un montant total de 278.785€.

 

Par suite, le salarié a sollicité auprès du Tribunal Administratif la décharge de ces impositions et, ayant été débouté, a poursuivi ses demandes par devant la Cour d’Appel Administrative de Nantes.

 

La 1ère Chambre de la Cour d’Appel Administrative de Nantes dans un arrêt du 30 janvier 202, va également rejeter la requête du salarié considérant qu’il ne résulte pas de l’instruction que la rupture des relations de travail aient été assimilables à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sorte que l’indemnité transactionnelle excédant le seuil prévu au 6ème alinéa du paragraphe I de l’article 80 duodecies du Code Général des impôts, c’est à bon droit que l’administration fiscale l’ait prise en compte au titre des revenus du salarié.

 

En suite de cette décision, le salarié forme un pourvoi en cassation.

 

Mais la 3ème et 8ème Chambre réunies du Conseil d’Etat ne vont pas plus accueillir les demandes du salarié.

 

Soulignant que les sommes perçues par un salarié en exécution d’une transaction conclue avec son employeur, ne sont susceptibles d’être regardées comme des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse que s’il résulte de l’instruction que la rupture des relations de travail est assimilée à un tel licenciement.

 

Dans ce cas les indemnités accordées au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse sont exonérées.

 

Elle rappelle que la détermination par le Juge de la nature des indemnités se fait au vu de l’instruction et conformément à la jurisprudence établie par le Juge du travail.

 

Elle souligne encore que la rupture conventionnelle homologuée exclusive du licenciement et de la démission fait, en principe, obstacle à ce que l’indemnité allouée au salarié par une transaction intervenant ultérieurement, puisse être regardée comme une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et exonérée d’impôts sur le revenu à ce titre.

 

Toutefois la remise au salarié d’un exemplaire de la convention de rupture est nécessaire à la fois pour que chacune des parties puisse demander l’homologation de la convention, et pour garantir le libre consentement du salarié en lui permettant d’exercer son droit de rétractation en connaissance de cause.

 

Il s’ensuit qu’à défaut d’une telle remise, la convention de rupture est nulle et produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

 

Soulignant que le salarié ne s’était pas plaint, pour justifier du caractère irrégulier de la rupture de son contrat de travail lors de la conclusion du protocole d’accord transactionnel, de ne pas avoir reçu de son employeur un exemplaire de la convention de rupture et avait produit devant elle un tel exemplaire portant la mention « Lu et approuvé » accompagné de sa signature, la Cour d’Appel en déduisant que le salarié s’était vu remettre un exemplaire de la convention dans des conditions lui permettant d’exercer son droit à rétractation et que la rupture conventionnelle était dès lors régulière, elle n’a pas commis d’erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier.

 

Par suite, le Conseil d’Etat rejette le pourvoi du salarié.

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