Communication au public de contenus protégés par le droit d’auteur mis en ligne illégalement par des utilisateurs de plateformes de partage : où commence la responsabilité de leurs éditeurs ?

Vianney DESSENNE
Vianney DESSENNE - Avocat

Source : Recueil de la jurisprudence, ARRÊT DE LA COUR (grande chambre) 22 juin 2021

 

Un producteur de musique a poursuivi les sociétés YouTube et Google devant les juridictions allemandes sur le fondement d’actes de contrefaçon pour mise en ligne, sans son autorisation puisqu’il en détenait les droits, d’œuvres musicales par des utilisateurs de cette célèbre plateforme de partage de contenus.

 

Par ailleurs, une maison d’édition a exercé une action identique devant ces mêmes juridictions à l’encontre de l’exploitant de la plateforme dénommée Uploaded pour mise en ligne, toujours sans son autorisation, de multiples ouvrages pour lesquels cet éditeur détenait les droits exclusifs.

 

Saisie de ces 2 litiges, la Cour fédérale de justice a soumis plusieurs questions préjudicielles à la CJUE afin que celle-ci vienne préciser le contenu de la responsabilité des éditeurs de plateformes web et son champ d’exonération, dès lors que sont mises en ligne, de manière illicite par des utilisateurs de ces sites, des œuvres protégées.

 

Dans son arrêt du 22 juin 2021 (affaires C-682/18 et C-683/18), la Cour pose le principe suivant lequel ces exploitants n’effectuent pas eux-mêmes une communication au public des contenus protégés par le droit d’auteur que leurs utilisateurs mettent illégalement en ligne, à moins d’y contribuer activement.

 

Pour en arriver à cette conclusion, la Cour détermine si l’exploitant d’une plateforme par l’intermédiaire de laquelle des utilisateurs peuvent mettre illégalement à la disposition du public des contenus protégés, effectue lui-même une communication au public de ces contenus, au sens de la directive CE 2001/29 du 22 mai 2001 portant sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information.

 

La Cour entend par acte de communication au public toute intervention permettant aux utilisateurs d’accéder à des œuvres protégées. A contrario, en l’absence d’une telle intervention, ces mêmes utilisateurs ne pourraient pas profiter de ces œuvres.

 

Elle en conclut que l’éditeur d’une tel site de partage, par lequel ses utilisateurs peuvent mettre illégalement à la disposition du public des contenus protégés, n’effectue pas une communication au public à moins qu’il ne contribue, au-delà de la simple mise à disposition de sa plateforme, à donner au public accès à de tels contenus.

 

Tel est notamment le cas lorsque :

 

  L’exploitant a concrètement connaissance de la mise à disposition illicite d’un contenu protégé sur sa plateforme et s’abstient de l’effacer ou d’en bloquer l’accès ;

 

  L’exploitant, alors même qu’il sait ou devrait savoir que des contenus protégés sont illégalement mis à la disposition du public par l’intermédiaire de son site de partage par des utilisateurs de celui-ci, s’abstient de mettre en œuvre les mesures techniques appropriées qu’il est permis d’attendre d’un opérateur normalement diligent afin de s’opposer à toute violation de droits d’auteur ;

 

  L’exploitant participe à la sélection de contenus protégés communiqués illégalement au public, fournit sur sa plate-forme des outils destinés spécifiquement au partage illicite de tels contenus ou promeut sciemment de tels partages.

 

La Cour examine ensuite cette même question relative à l’exonération de responsabilité de l’éditeur cette fois au regard de la directive CE 2000/31 du 8 juin 2000 sur le commerce, suivant finalement une problématique identique : le comportement de l’exploitant est-il purement technique et passif, impliquant l’absence de connaissance ou de contrôle des contenus qu’il stocke, ou joue-t-il un rôle actif de nature à lui conférer une connaissance ou un contrôle de ces contenus ?

 

Quel que soit le fondement juridique, directive relative au droit d’auteur ou celle portant sur le commerce électronique, la Cour en arrive à la même conclusion et juge que tout exploitant d’un site de partage de contenus en ligne peut bénéficier d’une exonération de responsabilité à partir du moment où il ne joue pas un rôle actif de nature à lui conférer une connaissance et un contrôle des contenus mis en ligne sur sa plateforme.

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