Epoux communs en bien et privilège de prêteur de deniers

Jacques-Eric MARTINOT
Jacques-Eric MARTINOT - Avocat

Source : Cass.Civ.1., 5 mai 2021, n°19-15072, n°326 P

 

Une épouse mariée sous le régime de la communauté fait l’acquisition pour le compte de cette dernière d’un bien au moyen d’un prêt consenti par une personne physique grevant le bien d’un privilège de prêteur de deniers.

 

La suite est classique…les impayés provoqueront la délivrance d’un commandement de payer valant saisie  sur le bien. L’intérêt de l’arrêt commenté débute par la contestation qui en est faite.

 

En effet, le Juge annulera le commandement et tous les actes en découlant au motif que l’époux n’a pas donné son consentement à l’emprunt.

 

Devant cette impossibilité et l’erreur manifeste du Notaire du fait de l’inefficacité de l’acte, le prêteur assigne le Notaire en responsabilité et obtient des dommages-intérêts.

 

La Cour d’appel retiendra que « l’absence de consentement de l’époux de Mme [K] à l’emprunt qu’elle a souscrit auprès de Mme [E] pour financer l’acquisition du bien commun s’opposait à ce que le créancier puisse mettre en oeuvre le privilège de prêteur de deniers dont il bénéficiait par l’effet de l’acquisition, la cour d’appel a violé les articles 1413, 1415 et 2374, 2°, du Code civil. »

 

C’est ainsi que la Cour de cassation sera saisie par la SCP Notariale alors que «  le créancier, titulaire d’un privilège de prêteur de deniers constitué de plein droit et par le seul effet de la loi sur le bien qu’il a financé, peut saisir le bien ainsi grevé même s’il est entré en communauté et si l’emprunt a été souscrit par un seul des époux sans le consentement de son conjoint ».

 

La Cour approuvera l’arrêt querellé précisant :

 

7.  Aux termes de l’article 1413 du Code civil, le paiement des dettes dont chaque époux est tenu, pour quelque cause que ce soit, pendant la communauté, peut toujours être poursuivi sur les biens communs, à moins qu’il n’y ait eu fraude de l’époux débiteur et mauvaise foi du créancier, sauf la récompense due à la communauté s’il y a lieu. Par exception, l’article 1415 du même code prévoit que chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n’aient été contractés avec le consentement exprès de l’autre conjoint qui, dans ce cas, n’engage pas ses biens propres.

 

8.  L’arrêt énonce à bon droit que, si l’acte de prêt souscrit par un seul époux sous le régime de la communauté n’est pas inefficace, la mise en oeuvre du privilège de prêteur de deniers est subordonnée au consentement de son conjoint à l’emprunt.

 

9.  Après avoir relevé que le notaire savait que les époux étaient communs en biens et que l’achat était fait pour la communauté, et justement retenu que Mme [E] ne pouvait engager une procédure de saisie immobilière sur le bien commun, la cour d’appel en a exactement déduit qu’en omettant de solliciter le consentement de M. [K], la SCP avait manqué à son obligation d’assurer l’efficacité de l’acte auquel elle avait prêté son concours»

 

On retiendra alors l’obligation du Notaire quant à l’efficacité de son acte, mais surtout, la nécessaire participation de l’époux dans la communauté à l’acte de prêt permettant la mise en œuvre du privilège accordé par la loi.

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