La demande de renouvellement aux clauses et conditions initiales vaut également pour le loyer !

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

SOURCE : 3ème civ, 15 avril 2021, n°19-24.231 FP – P

 

Particulièrement délicate à traiter est la question de la valeur locative de renouvellement en période de crise sanitaire. A tel point que si la plupart des experts immobiliers s’accordent sur la nécessité d’adapter les méthodes habituelles de détermination[1], il n’est pas certain, compte tenu de la stabilité qu’offre la fixation judiciaire du loyer, que le « black Friday des valeurs locatives »[2] soit réellement au rendez-vous.

 

Ayons en effet en mémoire que le loyer de renouvellement est fixé au visa de l’article L145-33 du Code de commerce et des dispositions règlementaires y afférent, et notamment sur la base de comparables (les prix couramment pratiqués dans le voisinage (R145-7)), sélectionnés sur une période de temps potentiellement éloignée de l’instant T, contrairement à la valeur locative de marché.

 

Une incertitude donc sur les valeurs qui en résulteront, conduisant certains auteurs à privilégier la voie amiable, seule à même d’apporter un peu de visibilité en cette période particulière de transition[3], à la voie judiciaire. Comme dit l’adage « un mauvais accord vaut mieux qu’un bon procès » !

 

Avant d’aborder l’élaboration de nouvelles méthodes expertales, de la « valeur locative lissée »[4] à l’« abattement spécial Covid » (sous réserve que la Covid ne soit en définitive neutre sur la valeur locative, ce qui ne saurait être exclu), encore faut-il, avant tout, que le preneur peaufine la rédaction de sa demande de renouvellement pour préserver son éventuelle baisse de loyer.

 

Et tel n’est pas le cas, pour la Cour de cassation dans une récente décision publiée rendue en formation plénière, lorsque le preneur se contente d’une demande de renouvellement aux clauses et conditions initiales.

 

Un célèbre chausseur avait en l’espèce en tête de ramener son loyer de renouvellement de 300.000 € à 123.000 € / ht / an à compter du 1er janvier 2017. Nous étions hors période covid, mais l’espèce garde bien entendu son intérêt pour les demandes actuelles.

 

Le preneur délivre à son bailleur une demande de renouvellement « aux mêmes clauses et conditions que le précédent bail », c’est à dire sans mention d’aucune réserve. Deux jours après réception de la demande, le bailleur y répond favorablement, pour un renouvellement aux mêmes clauses et conditions antérieures. Quatre jours plus tard, le preneur sollicite la fixation du loyer à la valeur locative à la baisse, notifie son mémoire préalable et saisit le juge des loyers commerciaux.

 

Les juges du fond, et notamment la Cour d’appel d’Aix en Provence, retiennent cependant que les parties se sont accordées tant sur la chose, que sur le prix (malgré le peu d’écart temporel entre les actes procéduraux). Les demandes du preneur sont rejetées.

 

Saisie d’un pourvoi du preneur, la Cour de cassation valide le raisonnement, rejette le pourvoi, et confirme ainsi la fixation définitive du prix du bail renouvelé au montant du dernier loyer.

 

La décision est ainsi l’occasion de rappeler que l’action en fixation, qui se prescrit par deux ans, ne vaut qu’en l’absence d’accord des parties sur le montant du loyer de renouvellement, comme le précise d’ailleurs l’article L145-33 du Code de commerce.

 

[1] Cf notamment Françoise MAIGNE GABORIT, « Covid 19 et fixation judiciaire de la valeur locative des locaux commerciaux », BRDA 5/21 ; Patrick COLOMER, « Comment calculer les valeurs locatives atteintes du Covid ?, L’argus de l’enseigne, n°59, novembre 2020 ; Benjamin ROBINE et Etienne BRILLAND, « Prudence est mère de sureté », Blog Carré d’expert, 15 avril 2021

 

[2] Jean Jacques Martel, La promesse d’un Black Friday des valeurs locatives ?, Dalloz actualité du 9 février 2021

 

[3] Jean Jacques Martel, préc.

 

[4] Françoise MAIGNE GABORIT, préc.

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