Procédure collective, interruption de prescription et admission de créance : une suspension de prescription acquise jusqu’à la décision d’admission de la créance.

Jacques-Eric MARTINOT
Jacques-Eric MARTINOT - Avocat

Source : Cass.Com., 24 mars 2021, n°29-23413, n°270 P

 

Une banque consent un prêt à un artisan pour l’acquisition de sa résidence principale et inscrit son privilège de prêteur de deniers.

 

En 2012, soit 6 ans après l’octroi du prêt, l’artisan enregistre une déclaration notariée d’insaisissabilité.

 

L’année suivante, il sera placé en redressement puis liquidation judiciaire entrainant la déclaration de créance de la banque au passif.

 

La liquidation judiciaire sera clôturée pour insuffisance d’actif,  et ce, en l’absence de vérification du passif et sans décision d’admission des créances.

 

La banque entreprendra une saisie immobilière en 2018 et délivrera pour se faire un commandement de payer puis assignera le débiteur à l’audience d’orientation dans les délais et formes imposés.

 

Afin d’échapper à la mesure, le débiteur soulèvera d’une part la prescription et d’autre part, la déclaration notariée d’insaisissabilité. Le raisonnement sera suivi par la Cour d’appel qui relèvera que le délai de prescription est de 2 ans en application des dispositions de l’article L137-2 du Code de la consommation[1]. La DNI est quant à elle inopposable, car postérieure à l’octroi du prêt.

 

La Cour considère en effet que la banque n’était pas dans l’impossibilité d’agir au moment où elle a déclaré sa créance de sorte qu’elle ne peut bénéficier de l’effet interruptif de prescription applicable jusqu’à la clôture de la procédure collective en l’absence de décision d’admission de la créance.

 

Pourvoi de la banque qui conteste l’acquisition de la prescription au profit du débiteur. En effet, elle estime que l’effet interruptif de prescription prend fin au jour de la décision d’admission de la créance de sorte que tant que la décision n’est pas rendue, l’interruption perdure.

 

Censure de la Cour de cassation. Elle estime que :

 

« 8. Pour déclarer prescrite l’action de la banque, l’arrêt, ayant relevé que le délai de prescription applicable est celui de deux ans prévu par l’article L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation, que la déchéance du terme du prêt est intervenue le 29 octobre 2013, et que la déclaration notariée d’insaisissabilité est inopposable à la banque eu égard à sa date, en déduit que, la banque, qui n’était pas dans l’impossibilité d’agir sur l’immeuble lorsqu’elle a déclaré sa créance, ne peut bénéficier de la prolongation de l’effet interruptif de la prescription jusqu’à la clôture de la procédure collective, en l’absence de décision d’admission de sa créance due à l’absence de vérification du passif.

 

9.  En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

 

PAR CES MOTIFS, la Cour :

 

CASSE ET ANNULE »

 

La Cour rappelle le double choix qui s’offre au créancier. Ce dernier peut :

 

1.  Déclarer sa créance au passif de la procédure collective ou

 

2.  Faire procéder à la vente sur saisie du bien immobilier.

 

Dans le second cas, il bénéficie de l’effet interruptif de prescription procuré par la déclaration de créance et qui se prolonge effectivement jusqu’à la décision d’admission des créances. Cependant, à défaut de décision d’admission, l’effet interruptif s’éteindra au jour de la clôture de la procédure collective.

 

[1] L’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.

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