Litige en matière de durée du travail et d’existence d’heures supplémentaires : précision sur l’office du Juge du fond pour forger sa conviction

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

SOURCE : Arrêt de la Chambre Social de la Cour de Cassation du 27 janvier 2021 n°17-31.046 (FP-P+R+I)

 

Un salarié a été engagé à compter du 1er septembre 2008 en qualité de Technico-Commercial par une société commercialisant des produits vétérinaires pour les animaux de compagnie auprès de grandes surfaces.

 

Il a été victime d’un accident du travail le 3 mai 2012 qui l’a conduit à être placé en arrêt de travail jusqu’au 1er avril 2013, puis de nouveau à compter du 30 avril 2013.

 

Le salarié a saisi le 25 novembre 2013 le Conseil de Prud’hommes aux fins d’obtenir la résiliation de son contrat de travail aux torts de l’employeur, et le paiement de diverses sommes à caractère salariales et indemnitaires.

 

Puis le salarié a été déclaré inapte et licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre du 16 mars 2016.

 

Le salarié va être débouté de sa demande en résiliation judiciaire par les premiers juges, puis par un arrêt de la Cour d’Appel de Nîmes du 10 octobre 2017, laquelle va considérer que les manquements avérés de l’employeur ne rendaient pas impossible la poursuite de la relation de travail en ce qu’ils étaient trop anciens, régularisés ou insuffisamment graves.

 

La Cour d’Appel déboute également le salarié de sa demande en indemnisation des heures supplémentaires.

 

Considérant que les éléments qu’il fournit, savoir :

 

  Un décompte des heures de travail qu’il indique avoir accomplies, jour après jour, indiquant les heures de prise et de fin de service ainsi que ses rendez-vous professionnels avec la mention du magasin visité, le nombre d’heures de travail quotidien et le total hebdomadaire,

 

  Des éléments établissant que le système de géolocalisation dont était équipé son véhicule, pouvait permettre l’évaluation du nombre d’heures de travail effectué.

 

La Cour d’Appel en conclut qu’il ressort des éléments fournis à son appréciation qu’il n’est pas établi que le salarié ait accompli des heures supplémentaires au-delà du contingent annuel de 220 heures.

 

En suite de cette décision, le salarié forme un pourvoi en cassation.

 

A l’appui de son pourvoi, le salarié reproche à l’arrêt d’appel d’avoir écarté sa demande de rappel d’heures supplémentaires et de congés payés y afférent, nonobstant le décompte produit, considérant que cet élément était insuffisamment précis en ce qu’il ne précisait pas la prise éventuelle d’une pause méridienne.

 

La Chambre Sociale de la Haute Cour va suivre le salarié dans son argumentation.

 

Soulignant que l’employeur doit d’une part établir les documents nécessaires au décompte de la durée du travail, des repos compensateurs acquis et de leurs prises effectives pour chacun des salariés concernés, de même qu’il doit établir des documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié,

 

Soulignant encore qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, qu’au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, autant que de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

 

Soulignant également qu’il appartient au salarié de présenter à l’appui de sa demande des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

 

Constatant finalement que d’une part, le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre et que celui-ci ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la Cour d’Appel, qui a débouté le salarié de sa demande, a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, et a en conséquence violé les dispositions légales.

 

Par suite, la Chambre Sociale casse et annule l’arrêt d’appel de Nîmes du 10 octobre 2017 en ce qu’il a débouté le salarié de ses demandes de rappel d’heures supplémentaires et congés payés y afférent, d’indemnités pour travail dissimulé, de dommages et intérêts au titre de la contrepartie obligatoire en repos, de prononcer de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur, de dommages et intérêts au titre de la rupture.

 

Les parties étant renvoyées devant la Cour d’Appel de Montpellier.

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