Imposition en France de la plus-value réalisée par un résident fiscal britannique, ancien résident fiscal français

Clara DUBRULLE
Clara DUBRULLE

Source : Tribunal administratif de Montreuil, 10 mars 2020, n°1805394

 

M. Hugues J., résidant au Royaume-Uni, a cédé en 2011 la totalité de ses actions de la société anonyme « Lasartis » pour un montant de 2 775 000 euros. En l’absence de dépôt de déclaration consécutive, l’administration fiscale a mis l’intéressé en demeure d’y souscrire. Ce dernier a alors déclaré la plus-value mobilière afférente d’un montant de 2 606 537 euros en indiquant que l’imposition avait été acquittée dans son pays de résidence.

 

Considérant que l’imposition revenait à la France, l’administration fiscale l’a assujetti à des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu au titre du prélèvement forfaitaire prévu à l’article 244 bis B du CGI et à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et a appliqué des pénalités.

 

En l’absence de réponse à sa réclamation préalable, M. J. demande la décharge de ces impositions supplémentaires et pénalités associées.

 

Pour rappel l’article 244 bis B du CGI, dans sa rédaction applicable aux faits de l’espèce, dispose :

 

« Sous réserve des dispositions de l’article 244 bis A, les gains mentionnés à l’article 150-0 A résultant de la cession ou du rachat de droits sociaux mentionnés au f du I de l’article 164 B, réalisés par des personnes physiques qui ne sont pas domiciliées en France au sens de l’article 4 B (…) sont déterminés et imposés selon les modalités prévues aux articles 150-0 A à 150-0 E lorsque les droits dans les bénéfices de la société détenus par le cédant ou l’actionnaire ou l’associé, avec son conjoint, leurs ascendants et leurs descendants, ont dépassé ensemble 25 % de ces bénéfices à un moment quelconque au cours des cinq dernières années (…) »

 

En pratique, les plus-values de cession de droits sociaux d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés et ayant son siège en France, réalisées par des personnes physiques ou morales (quelle qu’en soit la forme) dont le domicile fiscal ou le siège social est situé à l’étranger, sont imposables en France notamment dans le cas suivant : lorsque le cédant détient avec son conjoint, leurs ascendants et leurs descendants, directement ou indirectement, plus de 25 % des droits dans les bénéfices sociaux de la société à un moment quelconque au cours de la période de cinq ans précédant la cession.

 

La plus-value, déterminée selon le régime de droit commun des plus-values sur valeurs mobilières et droits sociaux, est alors soumise à un prélèvement au taux de 12,8 % pour les personnes physiques et à 28 % pour les personnes morales ou organismes quelle qu’en soit la forme, à condition que les conventions internationales ne s’y opposent pas. Le prélèvement est libératoire de l’impôt sur le revenu.

 

M. Hugues J. soutient que les paragraphes 5 et 6 de l’article 14 de la convention fiscale franco-britannique du 19 juin 2008 attribuent l’imposition des gains en capital à l’État dans lequel la personne qui a cédé des titres était résidente à la date de la cession.

 

L’administration au contraire estime que le paragraphe 6 de l’article 14 contient une clause anti-abus qui maintient la compétence de l’ancien État de résidence pendant les 6 années précédant la cession des titres.

 

L’article 14, paragraphe 6 énonce :

 

« Les dispositions du paragraphe 5 n’affectent pas le droit d’un État contractant de prélever, conformément à sa législation, un impôt sur les gains tirés de l’aliénation de tout bien par une personne qui est, et qui a été à un moment quelconque pendant les six années fiscales précédentes, un résident de cet État contractant ou par une personne qui est un résident de cet État contractant à un moment quelconque de l’année fiscale au cours de laquelle le bien est aliéné. »

 

M. Hugues J. s’appuie sur la conjonction de coordination « et » pour interpréter cette clause comme imposant deux conditions cumulatives : 1° la résidence l’année de la cession et 2° la résidence au cours des 6 années précédant celle-ci. Comme le relève le rapporteur public Guillaume Thobaty, retenir une telle interprétation reviendrait à rendre inapplicable la clause anti abus.

 

En l’espèce, le TA de Montreuil considère qu’il résulte de la combinaison des articles 14 et 24, 4 a de la convention franco-britannique du 19 juin 2008 que les gains provenant de l’aliénation des biens qu’ils visent peuvent être taxés par l’État dont le bénéficiaire n’est plus le résident lors de leur réalisation, pourvu qu’il l’ait été au cours de tout ou partie des six années qui précèdent et que l’imposition assignée par cet État soit diminuée de celle mise à sa charge par l’État de résidence du bénéficiaire au moment de la réalisation desdits gains, la compétence fiscale de ce dernier État résultant exclusivement du paragraphe 5 de l’article 14 de la convention susvisée.

 

M. Hugues J. était résident fiscal de France de 1995 à 2010, soit pendant les six années fiscales précédant la cession intervenue en 2011. Dès lors, conformément aux stipulations de l’article 14 de la Convention susvisée, l’administration fiscale française était fondée à imposer la plus-value sur le fondement des dispositions de l’article 244 bis B du CGI.

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