Possibilité pour le créancier d’une société civile immobilière mise en redressement judiciaire de prendre des mesures conservatoires à l’égard des associés de la société

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

SOURCE : Arrêt de la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation du 25 mars 2020 n° 18-17.924 (F-P+B) rejet

 

Par contrat du 26 juillet 2004, une société civile immobilière a confié à une entreprise de bâtiment l’exécution de travaux de construction d’ouvrages pour le prix de 2 631 200€.

 

La SCI n’ayant procédé à aucun paiement au titre de ce contrat, l’entreprise de bâtiment a assigné la SCI en règlement des travaux exécutés et celle-ci a été condamnée à lui régler une somme de 800 000€.

 

La SCI, ensuite transformée en SARL, a été placée en redressement judiciaire et l’entreprise de bâtiment a assigné les associés de la SCI, devenue SARL, afin de les voir condamner à payer le passif de celle-ci à hauteur de 800 000€ au prorata de leur participation dans le capital.

 

Parallèlement, l’entreprise de bâtiment s’est fait autoriser à pratiquer une saisie conservatoire de créances ainsi qu’une inscription d’hypothèque judiciaire sur les biens immobiliers détenus par les associés de cette société, et a donc procédé à des mesures conservatoires qui ont été contestées par les associés qui en ont demandé l’annulation.

 

La Cour d’Appel de Metz, dans un arrêt du 15 mai 2018, a considéré que les conditions de l’article L511-1 du Code de Procédure Civile d’exécution sont réunies, qu’il n’était démontré aucune disproportion des mesures conservatoires prises pour sûreté de la créance, ni aucun abus de saisie imputable au créancier qui était fondé à garantir le recouvrement de son principe de créance à l’égard des associés de la SCI.

 

Elle valide en conséquence les mesures conservatoires prises à l’encontre des associés de la SCI.

 

En suite de cette décision, ces derniers forment un pourvoi en cassation.

 

A l’appui de leur pourvoi, ils prétendent que le créancier ne peut poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé d’une société civile qu’après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale, de sorte que le créancier ne peut poursuivre le paiement d’une dette sociale contre les associés lorsque la société bénéficie d’un plan de redressement concernant cette dette qu’à la condition de démontrer que le plan n’est pas respecté.

 

Ils prétendent encore que ne dispose pas d’une créance fondée, permettant de solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire, le créancier d’une société dont la débitrice fait l’objet d’un plan de redressement incluant la créance litigieuse.

 

Mais la Chambre Commerciale de la Haute Cour ne va pas suivre les associés de la SCI dans leur argumentation.

 

Enonçant que lorsque le juge de l’exécution est saisi de la contestation d’une mesure conservatoire diligentée, sur le fondement de l’article L511-1 du Code de Procédure Civile d’Exécution, par le créancier d’une société civile contre les associés tenus indéfiniment des dettes sociales en application de l’article 1857 du Code Civil, il doit seulement rechercher l’existence d’une créance paraissant fondée en son principe contre la société et l’apparence d’une défaillance de celle-ci, cette apparence pouvant résulter notamment du risque d’inexécution du plan de redressement de la société, de sorte que l’article 1858 du Code Civil étant inapplicable dans cette hypothèse, il n’est pas tenu de vérifier si sont remplies les conditions posées par ce dernier texte, pour poursuivre les associés en paiement des dettes sociales.

 

Par suite, la Chambre Commerciale rejette le pourvoi.

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