La portée du rapport d’expertise amiable dans le cadre d’un litige de construction

Marion MABRIEZ
Marion MABRIEZ - Avocat

Source : Cass. Civ. 3, 14 mai 2020, n°19-16.278, FS-P+B+I

 

Dans cette affaire, le maître d’ouvrage avait confié la réfection d’un escalier extérieur à une entreprise.

 

Le maître d’ouvrage se plaignant de désordres et refusant de régler le solde du marché de cette dernière, l’assureur de l’entreprise a diligenté une expertise amiable qui s’est déroulée en présence des parties, l’expert concluant à l’absence de malfaçons.

 

Une seconde expertise amiable a été diligentée à l’initiative du maître d’ouvrage à laquelle l’entreprise et son assureur ont été convoqués, l’expert concluant cette fois-ci à la nécessité de réaliser des travaux de reprise.

 

L’entreprise a néanmoins entendu poursuivre les paiements des sommes restant dues en exécution de son contrat.

 

C’est dans ces conditions que le Tribunal d’Instance de DIJON a été saisi de cette affaire et a condamné l’entreprise à indemniser le maître d’ouvrage au titre des malfaçons d’exécution, le Tribunal se fondant sur le rapport d’expertise amiable versé aux débats par le maître d’ouvrage.

 

L’entreprise réalisatrice a formé un pourvoi en cassation, soutenant que sa condamnation à payer l’intégralité du montant des travaux de reprise, sans faire droit à sa demande en paiement du montant du solde des travaux qu’elle a réalisés revient à réparer deux fois le même préjudice et ce en méconnaissance des dispositions des articles 1231-1 et 1231-2 du Code Civil.

 

En outre, l’entreprise soutient que le Juge ne pouvait se fonder exclusivement sur les conclusions d’une expertise non judiciaire et réalisée à la demande de l’une des parties et ce peu important que ces opérations aient été organisées en présence des parties concernées, violant ainsi les dispositions de l’article 16 du Code de Procédure Civile et l’article 6 paragraphe 1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme relatifs au principe du contradictoire.

 

La Cour de cassation a cassé la décision rendue par le Tribunal de Dijon.

 

  Concernant l’indemnisation du préjudice

 

Sur ce point, et dès lors que le Tribunal a indemnisé intégralement le maître d’ouvrage des conséquences des manquements de l’entreprise à ses obligations tout en dispensant le maître d’ouvrage de payer le solde des travaux exécutés par celle-ci, la Cour de Cassation a jugé que le Tribunal avait réparé deux fois le même préjudice et ce en méconnaissance des dispositions des article 1231-1 et 1231-2 du Code Civil.

 

  Concernant la question du respect du contradictoire :

 

A ce sujet, la Cour de Cassation a jugé que le Tribunal qui s’est fondé exclusivement sur une expertise non-judiciaire réalisée à la demande de l’une des parties par un technicien de son choix, et ce peu important que la partie adverse y était régulièrement appelée, a violé les dispositions de l’article 16 du Code de Procédure Civile et l’article 6 paragraphe 1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme relatifs au principe du contradictoire.

 

À la lecture de l’arrêt du 14 mai 2020, la partie se réclamant de la présence de désordres sera donc tenue de verser d’autres pièces aux débats en sus du rapport d’expertise amiable pour justifier une demande de condamnation.

 

La 3ème Chambre Civile de la Cour de Cassation a donc fait sienne la position de la 2nd Chambre ayant jugé par arrêt en date du 13 septembre 2018 que le juge ne peut se fonder uniquement sur une expertise non judiciaire et ce, alors même que les opérations ont été menées contradictoirement.

 

Cette position apparaît quelque peu regrettable en ces temps de mise à l’honneur des modes alternatifs de règlements des différents et dès lors que l’organisation d’une expertise amiable en présence de l’ensemble des parties concernées par le litige permettait aux parties d’échapper au contentieux et au demandeur de débourser des frais d’expertise judiciaire, souvent non négligeables.

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