Billet d’humeur : VITSE ou l’histoire d’une PME régionale dont la procédure collective s’ouvre avec la crise des subprimes de 2007 et se termine avec la crise sanitaire

Eric DELFLY
Eric DELFLY - Avocat associé

La crise sanitaire aura une fin. Nous en sommes tous convaincus, de la même manière que, collectivement ou individuellement, chacun s’interroge sur ce que sera notre situation économique, psychologique et quels seront les bouleversements sociologiques, par ce que l’histoire nous enseigne, les grands événements historiques génèrent des révolutions sociétales.

 

Certains de nos lecteurs connaissent peut-être l’entreprise VITSE, une PME régionale qui emploie un peu plus de 150 salariés, spécialisée dans les voieries et réseaux, le terrassement, la déconstruction, le désamiantage, les cavités souterraines et la dépollution.

 

Son dirigeant, Christian VITSE, très tôt convaincu des vertus de l’économie écologique, crée une plateforme dénommée DEVAREM ENVIRONNEMENT, l’une des plus grandes d’Europe, spécialisée dans la valorisation alternative à la mise en décharge des déchets inertes issus du BTP.

 

Les heurts et malheurs de cette plateforme se sont étroitement imbriqués avec l’histoire de nos crises récentes. Ainsi :

 

– Mai 2007

 

C’est l’époque à laquelle la Préfecture ordonne la fermeture administrative de la plateforme DEVAREM, mais c’est également le moment où la crise des subprimes qui avait débutée aux Etats Unis au second semestre 2006 avec le crack des prêts immobiliers hypothécaires, se révèle par l’annonce d’importantes provisions passées par la Banque HSBC. Compte tenu des règles comptables en cours, il est devenu impossible de donner une valeur aux subprimes qui ont alors été provisionnés à une valeur proche de zéro.

 

– 02 septembre 2008

 

VITSE ne parvenant pas à obtenir la réouverture rapide de sa plateforme DEVAREM dépose l’état de cessation des paiements.

 

C’est aussi la seconde phase de la crise financière qui commence au cours… de la semaine du 14 septembre 2008 lorsque plusieurs établissements financiers américains se mettent sous la protection du Chapitre XI (procédure collective). Lehman Brothers est, par ailleurs, mise en liquidation judiciaire.

 

– Mars 2010

 

Mars 2010 est une période importante pour l’entreprise qui va, tout autant, bénéficier de l’adoption d’un plan de redressement l’autorisant à moratorier sa dette sur une période de 10 ans et de la lever par une décision de la Cour Administrative d’Appel de DOUAI de l’interdiction administrative d’exploiter la plateforme DEVAREM.

 

2010, c’est également la période où les liquidités injectées par les banques centrales, en réponse à la crise financière de 2008, après avoir irrigué l’économie réelle, se dirigent vers la spéculation. Ainsi de nouvelles bulles menacent d’éclater sur les bourses, les emprunts d’état, le sucre, etc…

 

La réponse sera, pour les Etats Unis, un retour à la régulation et du Glass Steagall Act de 1933 abrogé en 1999 qui conduit principalement à la séparation des activités de banques d’affaire et de banques de dépôt, de manière à éviter que les banques spéculent pour leur propre compte avec l’argent des dépôts.

 

– 2013

 

2013 sera l’année de la reconnaissance de la faute de l’Etat et le versement de dommages et intérêts en réparation du préjudice consécutif à l’illégalité de la fermeture administrative de la plateforme DEVAREM.

 

– Mars 2020

 

Nous sommes en plein état d’urgence sanitaire dans la plus grande partie du monde. L’entreprise VITSE est toujours debout et vient de solder, auprès du Commissaire à l’exécution du plan, sa dixième et dernière annuité.

 

Il y a dans cette aventure économique une forme de déterminisme qu’il faut saluer et qui constitue un exemple pour chacun d’entre nous.

 

Laissons le mot de la fin à Christian VITSE dont les yeux de Chimène sont encore tournés vers sa plateforme DEVAREM qui fabrique notamment du granulat recyclé. Créée en 2007, la plateforme s’inscrivait dans un constat à l’époque, d’un déficit en granulat primaire de près de 30 % par rapport aux besoins. Le développement d’une économie circulaire, socialement responsable, est dans les gènes de l’entreprise, pourtant le dirigeant déplore, encore et toujours, la préférence aux granulats primaires par rapport aux granulats recyclés.

 

Une réflexion à méditer pour les apprentis sorciers que nous sommes.

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