Le contrat de prêts de Bitcoin est un contrat de prêt de consommation

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

Source : T. com. Nanterre, 26 février 2020, n° 2018F00466.

 

I – Les faits

 

Une société A spécialisée dans le conseil financier et plus particulièrement dans le domaine des crypto-monnaies, a ouvert sur une plateforme appartenant à une société B exerçant une activité de plateforme d’échanges de Bitcoins. Son fonctionnement est régi par les conditions générales d’utilisation.

 

La société B a en outre consenti trois contrats de prêt en Bitcoin à la société A, pour un montant total de 1.000 Bitcoins (avec intérêt au taux de 5 %). La société B a également accordé à la société A en 2016 un prêt sans intérêt de 200.000 € afin de financer des prestations de tenue de marché en Bitcoin sur la plateforme.

 

Or, à partir de 2017, un contentieux apparaît entre les cocontractants. La société B décide de clôturer le compte de la société A. Le litige est porté en 2018 devant le devant le Tribunal de commerce de Nanterre.

 

II – La décision

 

Le jugement, rendu le 26 février 2020, tranche plusieurs difficultés, dont notamment la demande reconventionnelle de la société B relative à la restitution de 1.000 Bitcoins.

 

Le jugement observe d’abord que le Bitcoin est « consommé » lors de son utilisation, que ce soit pour payer des biens ou des services, pour l’échanger contre des devises ou pour le prêter, « tout comme la monnaie légale, quand bien même il n’en est pas une ». Le Bitcoin est donc consomptible par son usage.

 

Ensuite, il est noté que les Bitcoins sont fongibles, dans la mesure où ils sont tous issus du même protocole informatique et font l’objet d’un rapport d’équivalence avec les autres Bitcoins permettant d’effectuer un paiement au sens de l’ancien article 1291 du Code civil, devenu l’article 1347-1 du même Code.

 

Le jugement en conclu alors que, le Bitcoin étant ainsi fongible et consomptible, « la qualification juridique des 3 contrats de prêts de BTC signés entre les parties […] est donc bien celle du prêt de consommation » et, partant, l’ensemble des conséquences liées à cette nature s’applique au prêt de Bitcoin.

 

Parmi ces incidences, il y a d’abord l’article 1893 du Code civil, prévoyant un transfert de propriété au profit de l’emprunteur et, corrélativement, un transfert des risques liés à la possession de la chose. En l’espèce, la société A était donc devenue propriétaire des Bitcoins prêtés, et pouvait en percevoir les « fruits ».

 

De même, l’article 1902, qui prévoit que « l’emprunteur est tenu de rendre les choses prêtées, en même quantité et qualité, et au terme convenu », est applicable dans cette hypothèse. Or, il était démontré que la société A avait transféré à B, 1.000 Bitcoins en remboursement intégral des trois prêts concernés.

 

Dit autrement, la société A s’était bien acquittée, pour les juges, de son obligation de rendre les choses prêtées en même quantité et même qualité. En conséquence, la société A n’est pas débitrice de la société B de 1 000 Bitcoins. Le tribunal déboute alors la société B de sa demande.

 

III – A retenir

 

La qualification juridique des contrats de prêt de Bitcoin est celle de prêt de consommation. Jurisprudence certes confidentielle, mais novatrice dans un domaine lui-même novateur. Ce n’est pas tous les jours que nous sommes témoins d’une jurisprudence « primaire ».

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