Irrégularité de la déclaration de créance et incidence sur la caution

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

Source : Cass. com., 22 janv. 2020, n° 18-19.526, P+B

 

I – L’espèce

 

Une société bénéficie d’une garantie financière consentie par une société de caution mutuelle. Cette dernière bénéficie également du cautionnement d’une personne physique (sous-caution) garantissant toutes les sommes que la société débitrice principale pourrait devoir à la société de caution mutuelle au titre de la mise en œuvre de la garantie financière.

 

La débitrice principale ayant été soumise à une liquidation judiciaire, la société de caution mutuelle déclare au passif la créance qu’elle détient sur la société du fait de l’exécution de sa garantie financière, et assigne la caution en exécution de son propre engagement. Elle est condamnée en paiement.

 

Cependant la déclaration de créance de la société caution mutuelle au passif de la société est déclarée irrégulière, deux mois après. Dans le cadre du contentieux l’opposant à la société de caution mutuelle au titre des procédures d’exécution exercées par cette dernière sur un de ses immeubles, la caution oppose à la société de caution mutuelle la disparition de son engagement, du fait du rejet de la créance devenue définitive. La cour d’appel ne la suit pas. Elle retient que la déclaration de créance est seulement irrecevable.

 

II – Le pourvoi

 

La Cour de cassation censure la décision. Cette dernière, en retenant l’irrégularité de la déclaration ne peut être qu’une décision de rejet, ayant pour effet d’éteindre la créance garantie, cette extinction étant opposable par la caution à la société de caution mutuelle, nonobstant la force de chose jugée de la décision de condamnation de la caution.

 

La caution peut en effet opposer au créancier l’extinction de la créance garantie. L’article 2313 alinéa 1 du Code civil dispose bien que la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions inhérentes à la dette, dont bien sûr l’extinction de celle-ci.

 

La caution peut aussi opposer cette exception au créancier malgré la force de chose jugée de la décision la condamnant. La Cour de cassation l’avait déjà jugé à propos de l’extinction de la créance attachée au défaut de déclaration sous l’empire de la loi de 1985[1].

 

Cependant considérer que l’irrégularité de la déclaration de créance doit se traduire par son rejet, celui-ci emportant son extinction, est plus contestable. L’irrecevabilité de la demande, en droit processuel, implique en effet que le juge n’examine par le fond. En matière de vérification du passif, cela devrait signifier que le juge qui s’en tient à relever l’irrégularité de la déclaration, n’examine pas l’existence et le montant de la créance.

 

Considérer que la créance dont la déclaration a été jugée irrégulière se trouve « éteinte » surprend donc. La Cour de cassation pose cette réserve en jugeant que la décision relevant l’irrégularité de la déclaration, et refusant, sur ce motif, l’admission de la créance au passif, ne peut être qu’une décision de rejet. Elle réitère ici clairement une position prise dans un arrêt du 4 mai 2017[2], aux termes la Cour de cassation entendait lire l’article L. 624-2 du Code de commerce comme une liste exhaustive des décisions pouvant être prise par le juge-commissaire : admission, rejet, constat d’une instance en cours ou d’une question ne relevant pas de sa compétence.

 

Pour la Cour de cassation, l’article L. 624-2 du Code de commerce considérerait ainsi, qu’en dehors des cas particuliers de constat d’une instance en cours et d’une question dépassant son pouvoir juridictionnel, toute décision du juge-commissaire qui n’est pas d’admission est nécessairement de rejet. Elle contredit ainsi l’article R. 662-1 du Code de commerce, dont il ressort que les règles de procédure civile sont applicables aux procédures du livre VI du code de commerce, dès lors qu’il n’y est pas dérogé par une disposition spéciale.

 

La lettre de l’article L. 624-2 du Code de commerce empêche-t-elle réellement le juge-commissaire de juger irrecevable, au sens que lui donne la procédure civile, la demande d’admission que constitue la déclaration de créance ? Les observateurs des procédures collectives en doutent déjà.

 

[1] Cass. com. 5 déc. 1995, n° 94-14.793 P

 

[2] Cass. com., 4 mai 2017, n° 15-24.854, P+B+I

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