ACNUSA : Contrôle du juge administratif sur les sanctions administratives et portée d’une décision d’inconstitutionnalité

Johanna HENOCQ
Johanna HENOCQ

Source : CAA de Paris, 12 juillet 2019 n°18PA03025

 

En décembre 2017, l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) avait infligé à une société de transport aérien une amende administrative d’un montant de 24 000€ pour non-respect de la règlementation relative aux pollutions et nuisances sonores.

 

Le tribunal avait, sur requête de la société, annulé ladite sanction.

 

Sur appel interjeté par l’ACNUSA, la CAA de Paris devait se pencher sur l’épineuse question de la portée d’une disposition législative déclarée contraire à la Constitution mais néanmoins applicable au litige.

 

Il s’agissait en fait de l’article L. 6361-14 du code des transports, dans sa rédaction en vigueur jusqu’au 30 juin 2018 relatif à la procédure de sanction administrative.

 

Cette procédure prévoyait qu’à l’issue de l’instruction, le président de l’ACNUSA avait le pouvoir de classer sans suite une procédure de sanction engagée à l’encontre d’une personne ayant fait l’objet d’un constat de manquement s’il estimait que les faits n’étaient pas constitutifs d’un manquement pouvant donner lieu à sanction ou que les circonstances particulières à la commission des faits justifiaient un classement sans suite de l’affaire.

 

Cette disposition avait été déclarée contraire à l’article 16 de la DDHC (lequel garantit la séparation des pouvoirs), par le Conseil Constitutionnel en novembre 2017.

 

En effet, le Conseil Constitutionnel avait relevé que cette procédure n’opérait aucune séparation entre les fonctions de poursuite et les fonctions de jugement dans la mesure où le Président de l’ACNUSA disposait du pouvoir d’opportunité des poursuites alors qu’il était par ailleurs membre de la formation de jugement avec voix prépondérante.

 

La CAA de Paris juge qu’il résulte de l’article 62 de la Constitution qu’une disposition déclarée contraire à la Constitution est abrogée pour l’avenir à compter de la publication de la décision du Conseil Constitutionnel ou d’une date ultérieure qu’il fixe.

 

Le Conseil Constitutionnel avait en l’espèce considéré que l’abrogation immédiate de la procédure susvisée aurait des conséquences manifestement excessives et décidé en conséquence d’une abrogation au 30 juin 2018.

 

Il n’avait en revanche pas fixé les conditions et limites d’une remise en cause des effets que cette procédure a déjà produits.

 

L’article L. 6361-14 du code des transports était donc de fait toujours applicable au litige.

 

Toutefois la CAA de Paris va faire appel au pouvoir qu’elle a d’écarter l’application d’une loi (et donc de cet article) compte tenu de son incompatibilité avec le droit de l’Union européenne ou avec une stipulation conventionnelle.

 

Pour ce faire, elle rappelle que l’article 6§1 de la Convention européenne des Droits de l’Homme (CEDH) garantit le droit au procès équitable.

 

La CAA de Paris souligne que lorsqu’elle est saisie d’agissements pouvant donner lieu aux sanctions prévues par le code des transports, l’ACNUSA doit être regardée comme décidant du bien-fondé d’accusations en matière pénale au sens de la CEDH.

 

La circonstance que l’ACNUSA aurait statué dans des conditions qui ne respecteraient pas le principe d’impartialité rappelé à l’article 6§1 susvisé peut, compte tenu de la nature, de la composition et des attributions de l’ACNUSA, être utilement invoqué à l’appui d’un recours contre la décision de sanction de cette dernière.

 

Lorsque le Président de l’ACNUSA décide de poursuivre la société de transport aérien et donc, de ne pas classer l’affaire sans suite, celui-ci doit être regardé comme ayant seulement estimé que les faits relevés dans le PV d’infraction pouvaient donner lieu à sanction et méritaient un examen par le collège avec audition de la personne contrevenante.

 

La CAA de Paris en déduit que la décision de soumettre l’affaire au collège n’a donc pas la portée d’un jugement de la culpabilité de la compagnie aérienne.

 

Toutefois, en l’espèce la Cour relève que la procédure en litige (abrogée par le Conseil Constitutionnel mais encore applicable en l’espèce) met à mal l’impartialité et l’objectivité du Président de l’ACNUSA dans la mesure où, pour rappel, celui-ci est à la fois autorité de poursuite et membre de la formation de jugement.

 

Par suite, la CAA de Paris confirme l’annulation de la sanction infligée par l’ACNUSA.

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