Rapport annuel de la Cour de cassation : la clause d’indexation est par principe divisible

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

SOURCE : Rapport annuel 2018 de la Cour de cassation  Et 3ème civ, 29 novembre 2018, n°17-23.058, FS – P+B+R+I

 

Il résulte d’un arrêt du 29 novembre 2018, rendu par la Troisième Chambre civile de la Cour de cassation dans un contexte d’illicéité d’une clause d’indexation, que :

 

« (…) Seule la stipulation qui crée la distorsion prohibée est réputée non écrite et que la clause prévoyait un premier ajustement, illicite mais ponctuel, tenant à la prise d’effet du bail en cours d’année civile, tandis que les périodes de référence suivantes avaient la même durée (…) »

 

Si l’application de la doctrine prétorienne aux clauses maladroitement rédigées prévoyant une premier ajustement irrégulier au regard de l’article L112-1 du Code monétaire et financier était insusceptible de faire débat, le commentaire de l’arrêt du 29 novembre 2018, analysé dans la présente newsletter[1] était en revanche très  attendu sur son application éventuelle à d’autres irrégularités, et notamment aux clauses d’indexations faisant évoluer le loyer « uniquement à la hausse » ou ne permettant pas de porter le loyer un montant inférieur à un certain plancher.

 

Certaines juridictions du fond avaient ainsi maintenu leur jurisprudence concernant ces défaillances, en refusant toute divisibilité de la clause.

 

Ainsi :

 

  Pour la Cour d’appel de Paris (CA PARIS, 30 janvier 2019, n°17/07597) : « La cour rappelle que le propre d’une clause d’échelle mobile est de faire varier à la hausse et à la baisse et que la clause figurant au bail, écartant toute réciprocité de variation, fausse le jeu normal de l’indexation ; qu’en effet, cette clause est de nature à créer un effet de rattrapage condamné par l’article L. 112-1 du code monétaire et financier ; qu’en conséquence, doit être déclarée non écrite une clause d’indexation qui exclut la réciprocité de la variation et stipule que le loyer ne peut être révisé qu’à la hausse

 

En l’espèce, la clause exclut, en cas de baisse de l’indice, l’ajustement du loyer prévu pour chaque période annuelle en fonction de la variation de l’indice publié dans le même temps.

 

Par ailleurs, l’exclusion d’un ajustement à la baisse du loyer, présentant un caractère essentiel, la clause litigieuse précisant avec netteté ‘que l’application de ladite clause ne devant en aucune manière se traduire par une diminution du loyer’, la clause d’indexation doit être, en son entier, réputée non écrite.

 

En conséquence, la clause d’indexation stipulée au bail doit être déclarée non écrite en son entier. »

 

  et implicitement pour la Cour d’appel de DOUAI (ch. 02 sect. 01, 2 mai 2019 n° 17/07235) :

 

« Est réputée non écrite toute clause d’un contrat à exécution successive, et notamment des baux et locations de toute nature, prévoyant la prise en compte d’une période de variation de l’indice supérieure à la durée s’écoulant entre chaque révision’.

 

Alors que l’objet d’une clause d’échelle mobile est de faire varier le loyer à la hausse et à la baisse, la clause précitée limite les effets de l’indexation et fausse son jeu normal en ne favorisant que sa hausse et ne permettant pas sa baisse, excluant ainsi toute réciprocité de la variation.

 

Ainsi, la clause litigieuse, qui écarte en cas de baisse de l’indice, l’ajustement du loyer prévu pour chaque période annuelle en fonction de la variation de l’indice publié dans le même temps, doit être réputée non écrite. »

 

Cette voie n’est pas celle adoptée par la Haute juridiction qui entend concilier le respect de l’ordre public et le respect des engagements contractuels, seraient-ils amputé des illicéités litigieuses, comme le précise le rapport :

 

« (…) Mais la troisième chambre civile de la Cour de cassation a estimé que l’éradication de l’intégralité de la clause, anéantissant le principe même de l’indexation des loyers convenue par les parties, ne pouvait être envisagée lorsqu’une neutralisation de la seule stipulation illégale suffisait au respect de l’interdiction édictée à l’article L. 112-1 du code précité.

 

En l’occurrence, les autres modalités prévues permettant le rétablissement des calculs dans le respect des dispositions du code monétaire et financier, la neutralisation de la première révision, par anéantissement de la seule stipulation l’organisant, ne faisait pas obstacle à la possibilité de reconstituer, à compter du 1er janvier suivant, par application du reste de la clause, le calcul du montant du loyer seul exigible en fonction d’une variation indiciaire d’une année.

 

C’est, sans doute, se rapprocher d’une définition de la clause du contrat comme un ensemble comportant des aspects multiples, certains relevant de l’énonciation d’un principe, ici, celui de l’indexation dont les parties sont convenues pour se prémunir l’une et l’autre des fluctuations monétaires, les autres relevant de l’organisation de modalités de calcul ou d’application, se distinguant selon leur caractère répété ou unique, ces différents aspects, bien que regroupés au sein d’une même clause, pouvant présenter un caractère autonome.

 

Pour déclarer partiellement non écrite une clause d’indexation, il faut donc que la stipulation illégale soit susceptible d’être isolée, sans que la cohérence du reste de la clause soit atteinte, qu’elle ne soit pas essentielle à l’expression de la volonté des parties de soumettre le loyer à une indexation et que l’objectif d’équilibre et de stabilité monétaire poursuivi par le législateur au travers de la loi n° 77-1457 du 29 décembre 1977 précitée soit satisfait par le seul effacement de ce qui est illégal. »

 

Le rapport annuel laisse, dans ce contexte, peu de place au débat : lorsque les parties ont souhaité soumettre le loyer à une indexation, leur volonté doit être respectée, et les encadrements illicites qu’elles auraient ajoutés, fusse en toute connaissance de cause mais à condition que l’encadrement ne soit pas déclaré essentiel à la validité de la clause d’indexation, doivent être supprimés sans entacher la validité de la clause d’indexation.

 

La confirmation de la position de la Cour de cassation sur le principe de divisibilité des clauses d’indexations « uniquement à la hausse » est donc attendue, dans un contexte où il n’est d’ailleurs pas acquis que la sanction des clauses limitant les effets de l’indexation ou faussant leur jeu normal soit le non écrit, puisqu’au delà des clause à l’origine de distorsions indiciaires, les articles L112-1 et suivants du Code monétaire ne contiennent aucune disposition prohibant les encadrement de clauses d’indexation.

Print Friendly, PDF & Email
Partager cet article
Vivaldi Avocats