Absence de harcèlement sexuel en présence d’un jeu de séduction réciproque.

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

SOURCE : Arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation du 25 septembre 2019, n° 17-31.171 (F-D).

 

Un salarié d’une société ayant pour activité principale le transport de personnes, engagé par contrat à durée indéterminée du 03 avril 2000, puis régulièrement promu jusqu’à atteindre le poste de responsable d’exploitation de site, a été licencié pour faute grave par lettre recommandée avec accusé de réception du 31 juillet 2014 pour des faits de harcèlement sexuel après que son comportement ait été dénoncé par une salariée aux représentants syndicaux de l’entreprise, celle-ci lui reprochant qu’il lui ait envoyé des sms à connotations sexuelles et pornographiques, lui avoir fait subir des attouchements et fait des propositions déplacées.

 

Le salarié licencié va saisir le Conseil des Prud’hommes afin de contester son licenciement.

 

En cause d’appel, la Cour d’Appel de VERSAILLES, dans un Arrêt confirmatif du 11 octobre 2017, va considérer qu’il ressortait des attestations produites que la salariée avait adopté un comportement ambigüe à l’égard du salarié licencié, ce qui ne permettait pas que ses propos soient considérés comme étant constitutifs d’un harcèlement sexuel, mais qu’en revanche, émanant du supérieur hiérarchique de la salariée, il caractérisait un comportement incompatible avec ses responsabilités justifiant un licenciement fondé, non pas sur une faute grave, mais sur une cause réelle et sérieuse.

 

Ensuite de cette décision, le salarié licencié forme un pourvoi en Cassation, de même que son employeur forme un pourvoi incident contestant la déqualification de la faute grave en une cause réelle et sérieuse.

 

A l’appui de son pourvoi, l’employeur reproche à l’Arrêt d’avoir dit que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave, mais sur une cause réelle et sérieuse en raison de l’attitude ambigüe adoptée par la salariée destinataire des sms pornographique de son supérieur hiérarchique sans prendre en considération le certificat médical produit par la salariée, attestant de l’incidence sur sa santé mentale des pratiques harcelantes du salarié licencié.

 

Mais la Chambre Sociale ne va pas suivre l’employeur dans son argumentation.

 

Soulignant que la salariée qui se plaignait de harcèlement sexuel avait répondu aux sms du salarié licencié sans que l’on sache lequel d’entre eux avait pris l’initiative d’adresser le premier message, ni qu’il soit démontré que ce dernier avait été invité à cesser tout envoi et qu’elle avait adopté sur le lieu de travail à l’égard du salarié une attitude très familière de séduction, l’absence de toute pression grave ou de toute situation intimidante hostile ou offensante à l’encontre de la salariée a été établie par la Cour d’Appel qui en a exactement déduit que l’attitude ambigüe de la salariée, qui avait volontairement participé à un jeu de séduction réciproque, excluait que les faits reprochés au salarié puissent être qualifiés de harcèlement sexuel, la Chambre Sociale rejette le moyen.

 

De son côté, le salarié, à l’appui de son pourvoi, prétendait que nonobstant l’usage de son téléphone professionnel, les échanges de sms relevaient de sa vie privée et qu’il avait droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée, de sorte que l’envoi des messages ne devait pas pouvoir fonder un licenciement pour cause réelle et sérieuse.

 

Mais la Chambre Sociale ne pas va suivre le salarié dans son argumentation.

 

Soulignant que le salarié exerçait les fonctions de responsable d’exploitation d’une entreprise comptant plus de 100 personnes et qu’il avait depuis son téléphone professionnel, de manière répétée, pendant deux ans adressé à une salariée dont il avait fait connaissance sur son lieu de travail et dont il était le supérieur hiérarchique, des sms au contenu déplacé et pornographique, il avait adopté un comportement qui lui faisait perdre toute autorité et toute crédibilité dans l’exercice de sa fonction de direction et, dès lors, incompatible avec ses responsabilités, de sorte que la Cour d’Appel avait pu en déduire que ces faits se rattachaient à la vie de l’entreprise et pouvaient justifier un licenciement disciplinaire.

 

Par suite, la Chambre Sociale rejette les pourvois, tant principal qu’incident.

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