IFI : Evaluation d’immeuble : Comparer ce qui est comparable

Eric DELFLY
Eric DELFLY - Avocat associé

SOURCE : CA AIX EN PROVENCE 05/03/2019, n° 17/07/01

 

I – UN BREF RAPPEL DES REGLES GENERALES D’EVALUATION DU PATRIMOINE DU REDEVABLE

 

En matière d’IFI, la valeur vénale des immeubles doit être déterminée selon la méthode d’évaluation par comparaison qui consiste à se référer au prix constaté dans les transactions concernant des immeubles similaires.

 

Pour choisir ces termes de comparaison, il convient de tenir compte de l’ensemble des factures contribuant à déterminer la valeur de marché des immeubles :

 

–  Les facteurs physiques (qualité, matériaux, architecture, superficie, état d’entretien, emplacement, équipement intérieur, présence ou non d’amiante ou de plomb…) ;

 

–  Les facteurs juridiques (situation locative, servitude, réglementation d’urbanisme, obligation de faire procéder à des travaux de ravalement prescrits par arrêté…).

 

La comparaison peut être faite en bloc, mais le plus souvent est opérée à partir de prix moyens unitaires[1].

 

Il s’infère de cette énumération qu’il est difficile pour l’Administration de se livrer à un tel exercice pour deux raisons :

 

–  La première est que l’Administration n’est pas autorisée, et d’une manière générale, ne procède pas à la visite de l’immeuble du contribuable, ni d’ailleurs des immeubles qu’elle utilise à titre de comparaison, se contentant, la plupart du temps, d’une évaluation par référence aux normes de description utilisées dans les actes translatifs de propriété, ce qui, somme toute, ne donne qu’une idée assez approximative de l’état des biens dont il est procédé à la comparaison. En pratique, l’Administration a une approche assez pragmatique qui consiste à proposer des biens à la comparaison, et attendre que le contribuable fasse lui-même le travail de description de ses immeubles (ce qu’il devrait éviter de faire, puisque de fait il inverse la charge de la preuve), ce qui permet à l’Administration d’engager cette fois, un débat plus charpenté ;

 

–  Mais il arrive la plupart du temps que même « sur le papier », l’Administration ne parvienne pas à identifier des comparables, de sorte qu’elle a recours à des transactions portant sur des biens proches sans être totalement comparables (secteur géographique, taille, etc.) desquelles elle procède à un abattement.

 

A raison dit le Juge.

 

Ainsi, en 2016[2], la Cour de Cassation avait-elle validé un abattement de 20 % sur la valeur d’une propriété indivise exceptionnelle située à NICE d’une superficie de 37 000 m² supportant 3 constructions de belle qualité architecturale avec piscine et cour de tennis, et bénéficiant d’un emplacement privilégié avec vue sur toute la ville et la baie de NICE. N’ayant pas trouvé d’exemple tiré de la cession isolé des droits indivis portant sur des immeubles comparables, l’Administration avait retenu 3 termes de comparaison correspondant à la cession de grande propriété de caractère avec maison de gardien, piscine et tennis, située dans la même région et appliquait un abattement de 20 %, ce qu’a approuvé la Cour de Cassation.

 

II – LE LITIGE

 

Cette tolérance de la Cour de Cassation à accepter des biens non intrinsèquement comparables mais « presque » comparables, quitte à corriger la comparaison d’un abattement, a conduit l’Administration à toutes les hardiesses, au risque de prendre en considération des immeubles franchement pas comparables, sur lesquels elle procède à des minorations relativement importantes, pour parvenir à l’évaluation qu’elle souhaite proposer au contribuable.

 

C’est ainsi que dans l’espèce commentée, l’Administration fiscale avait-elle reproduit à propos d’une autre villa de standing située à NICE, également d’une grande valeur architecturelle, jouissant d’un environnement d’exception avec vue uniquement sur LE CAP FERRET et la Baie des Anges. Plus spécialement, dans le cadre de l’expertise de l’évaluation du bien sollicitée par le contribuable, l’Administration avait retenu pour seuls éléments de comparaison, des ventes de villas situées sur la Commune de ST-JEAN CAP FERRAT, commune plus prisée encore que NICE, constituant un micromarché.

 

Conscient de la particularité du marché immobilier de ST-JEAN CAP FERRAT, l’Administration avait quand même retenu la cession de villas de standing sur la ville, mais en appliquant une décote de situation de 45 % correspondant selon elle, à la différence de la valeur entre les prix de ST-JEAN CAP FERRAT et ceux de NICE.

 

Erreur de raisonnement selon la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE, qui rejette tout comparable issu des transactions constatées sur la ville de ST-JEAN CAP FERRAT, au motif que l’importance de la minoration (45 %) était de nature à démontrer que ces biens n’étaient pas intrinsèquement comparables.

 

C’est une illustration des limites d’une méthodologie qui doit être appliquée avec modération par l’Administration fiscale. Nous estimons pour notre part, qu’au-delà de 20 % de corrections, le ou les immeubles qui doivent servir de référence de comparaison, ne peuvent plus être intrinsèquement qualifiés de comparables.

 

[1] Ex : prix à l’hectare terrain agricole, au m² (terrain à bâtir), au m² de superficie bâtiment, etc.

 

[2] Cass com 16/02/2016, n° 14-23.301

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