Résidence de tourisme et conséquences du défaut d’exploitation pour le Syndicat des Copropriétaires

Kathia BEULQUE
Kathia BEULQUE - Avocat associée

Source : Cass.3ème Civ., 9 mai 2019, n°18-16.717

 

C’est ce que décide la Troisième Chambre Civile de la Cour de Cassation, dans cette décision, publiée, comme suit :

 

« …

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Chambéry, 6 mars 2018), que la SCI Les Arcellins a fait édifier une résidence de tourisme, soumise au régime de la copropriété suivant un état descriptif de division et règlement de copropriété établi par M. Z…, notaire associé dans la SCP Z…, G…, R… et M…, et vendu les lots en l’état futur d’achèvement à l’exception des n° 137 à 140 et 226, composés de locaux affectés à la fourniture de prestations collectives, dont elle a conservé la propriété ; qu’après les avoir cédés à la société PM3C, celle-ci a vendu les n° 137 et 226 à la SCI Jupidal, laquelle les a donnés à bail à la société Jupisports ; que, se fondant sur la notice descriptive annexée aux actes de vente en l’état futur d’achèvement, le syndicat des copropriétaires de la résidence Val Cenis (le syndicat) et la société Cogestour, gestionnaire de la résidence, ont agi en requalification des parties privatives des lots des sociétés PM3C et Jupidal en parties communes et en indemnisation de leurs préjudices ; que, subsidiairement, invoquant l’impossibilité de commercialiser la résidence en offrant l’intégralité des prestations collectives initialement prévues lors de la vente des logements aux copropriétaires, ils ont sollicité le constat de l’abandon des lots n° 138 à 140 et l’attribution de leur propriété au syndicat ; que la société Jupisports est intervenue à l’instance ;

 

Sur le premier moyen, pris en ses troisième et sixième branches :

 

Attendu que le syndicat et la société Cogestour font grief à l’arrêt de rejeter leur demande en requalification des parties privatives des lots n° 137 à 140 et 226 en parties communes, alors, selon le moyen  (…):

 

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

 

Sur le second moyen :

 

Attendu que le syndicat et la société Cogestour font grief à l’arrêt de rejeter leur demande en constat de l’abandon des lots n° 138 à 140 et en attribution de leur propriété au syndicat, alors, selon le moyen :

 

1°/ qu’en cas de carence des locaux à usage collectif d’une résidence de tourisme placée sous le statut de la copropriété entraînant l’impossibilité de la commercialiser, le juge qui constate l’état de carence peut confier la responsabilité de l’entretien des locaux litigieux au syndicat des copropriétaires ; qu’il n’appartient donc pas à celui-ci de demander « à se voir confier l’entretien des locaux » ; qu’en se déterminant pourtant de la sorte pour débouter le syndicat des copropriétaires de sa demande fondée sur le délaissement des locaux, la cour d’appel a ajouté une condition à la loi et, partant, a violé l’article 58 de la loi du 24 mars 2014, dite loi Alur ;

 

2°/ qu’en cas de carence des locaux à usage collectif d’une résidence de tourisme placée sous le statut de la copropriété entraînant l’impossibilité de la commercialiser telle qu’il avait été initialement convenu, le juge peut déterminer le montant d’une indemnité que le syndicat doit préalablement payer pour devenir propriétaire des locaux litigieux ; que la loi n’impose donc pas au syndicat de proposer de payer l’indemnité préalablement au jugement ; qu’en déboutant dès lors le syndicat des copropriétaires de sa demande, motif pris de ce que « les appelants (
) ne proposent pas le paiement de l’indemnité qui doit être préalable et ne forment pas davantage de demande visant à en voir fixer le montant », la cour d’appel a encore ajouté une condition à la loi et, partant, a violé l’article 58 de la loi du 24 mars 2014, dite loi Alur ;

 

Mais attendu qu’ayant relevé que le syndicat ne proposait pas le paiement de l’indemnité ni ne formait de demande visant à en voir fixer le montant, la cour d’appel a exactement déduit de ces seuls motifs que la demande en constat de l’abandon et attribution au syndicat de la propriété des lots litigieux devait être rejetée ;

 

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

 

Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les autres griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

 

PAR CES MOTIFS :

 

REJETTE le pourvoi ;

 

Condamne le syndicat des copropriétaires de la résidence Val Cenis et la société Cogestour aux dépens ;… »

 

 

 

Afin de restituer aux locaux collectifs leur qualification de parties communes, l’article 58 V de la loi ALUR du 24 mars 2014, est venu préciser que pour toutes les résidences de tourisme construites avant le 1er juillet 2014, et placées sous le régime de la copropriété, les locaux à usage collectif composés d’équipements et de services communs ne peuvent faire l’objet d’un lot distinct vendu à un copropriétaire et font l’objet d ‘une copropriété indivise du syndicat des Copropriétaires.

 

 « …V.-Pour les résidences de tourisme mentionnées à l’article L. 321-1 du code du tourisme, construites à partir du 1er juillet 2014, et placées sous le statut de la copropriété des immeubles bâtis fixé par la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, les locaux à usage collectif composés d’équipements et de services communs au sens de l’article D. 321-1 du même code ne peuvent faire l’objet d’un lot distinct vendu à un copropriétaire et font l’objet d’une propriété indivise du syndicat des copropriétaires. .. »

 

Pour les résidences construites antérieurement au 1er juillet 2014, où ces lots constituent des lots de copropriété, il est prévu par ce même article 58 V que :

 

« …Dans les résidences de tourisme, placées sous le statut de la copropriété des immeubles bâtis fixé par la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 précitée, déjà existantes au 1er juillet 2014, lorsque les locaux à usage collectif faisant l’objet d’un lot distinct propriété d’un copropriétaire ne sont pas entretenus, entraînant un déclassement de cette résidence ou l’impossibilité de la commercialiser en offrant l’intégralité des prestations collectives initialement prévues lors de la vente des logements aux autres copropriétaires, l’assemblée générale des copropriétaires peut saisir le tribunal de grande instance d’une demande aux fins de voir prononcer un état de carence ou de constater abandon.

 

La responsabilité de l’entretien des locaux à usage collectif, pour lesquels est prononcé un état de carence, peut être confiée par le juge, à titre temporaire, au syndicat des copropriétaires. Le propriétaire de ces parties communes reste redevable des charges engagées par le syndicat des copropriétaires pour cet entretien.

 

En cas de défaillance avérée du propriétaire du lot considéré, les locaux à usage collectif dont est judiciairement constaté l’abandon peuvent devenir la propriété indivise du syndicat des copropriétaires, après le paiement d’une juste et préalable indemnité déterminée par le juge et versée au précédent propriétaire. Le syndicat des copropriétaires ne peut alors céder la propriété de ces locaux à usage collectif dans le cadre d’un lot distinct. … »

 

L’arrêt du 9 mai 2019 expose la mise en œuvre de la procédure de prononcé d’abandon: une contrepartie financière doit être proposée par le Syndicat ou ce dernier doit demander à en voir fixer le montant.

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