Les acomptes sur dividendes bénéficient en totalité du régime mère-fille

Clara DUBRULLE
Clara DUBRULLE

Source : Conseil d’État, 9ème – 10ème chambres réunies, 12 avril 2019, n° 410315

 

Le régime mère-fille permet aux sociétés mères de bénéficier d’une exonération sur les produits nets des participations reçus de leurs filiales, sous réserve de la taxation d’une quote-part de frais et charges correspondant à 5% du produit total des participations.

 

   Les faits

 

La société Partidis, société membre du groupe fiscal intégré dont la société mère est la société Compagnie de Saint-Gobain, a perçu les 21 et 30 mai 2008 de sa filiale résidente britannique, la société Saint-Gobain Ltd, des acomptes sur dividendes, dénommés selon le droit britannique “interim dividends“, pour des montants de 46 630 000 et 46 631 000 livres sterling, qu’elle a retranchés de son résultat imposable en application du régime des sociétés mères après défalcation d’une quote-part de frais et charges.

 

A la suite d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale n’a admis la déduction des acomptes sur dividendes qu’à hauteur du résultat que la société britannique était en mesure de distribuer à la clôture de l’exercice en cause et rehaussé en conséquence le bénéfice imposable de la société Partidis au titre de l’exercice clos en 2008.

 

La société Compagnie de Saint-Gobain, société tête de groupe, se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 9 mars 2017 par lequel la cour administrative d’appel de Versailles a rejeté ses appels formés contre les jugements des 1er juillet 2014 et 7 juillet 2015 par lesquels le tribunal administratif de Montreuil avait rejeté ses demandes tendant à la décharge des suppléments d’impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur cet impôt résultant de ce rehaussement.

 

Pour la première fois le Conseil d’Etat est appelé à se prononcer sur le point de savoir si le régime mère-fille est subordonné à la constatation, lors de l’approbation des comptes, d’un bénéfice comptable de l’exercice et de réserves disponibles d’un montant au moins égal aux sommes distribuées à titre d’acomptes.

 

   La position du Conseil d’Etat

 

Pour refuser à la société Partidis la possibilité de retrancher de son bénéfice imposable une fraction des acomptes sur dividendes que lui avait versés en cours d’exercice sa filiale résidente britannique au vu du bénéfice qu’elle avait réalisé depuis la clôture du précédent exercice, la cour administrative d’appel de Versailles s’est fondée sur ce que leur montant s’était révélé supérieur à celui des sommes distribuables par la filiale à la clôture de l’exercice de versement des acomptes.

 

Or, le Conseil d’Etat considère que :

 

« En jugeant ainsi que l’exonération des acomptes ne peut être admise que dans la limite du montant des sommes distribuables en fin d’exercice alors que leur perception procède, pour leur montant total, des droits attachés aux titres de participation détenus par la société mère et que les articles 145 et 216 précités du code général des impôts ne subordonnent pas l’exonération des produits nets de participations qu’ils instituent à l’imposition effective, entre les mains de la filiale, des bénéfices qu’elle distribue, la cour a commis une erreur de droit. »

 

Autrement dit, le Conseil d’Etat juge que les acomptes sur dividendes versées ont, dans leur totalité, le caractère de produits de participation et peuvent dès lors bénéficier du régime mère-fille. Est sans incidence la circonstance que le montant de ces acomptes soit finalement supérieur à celui des sommes distribuables par la filiale à la clôture de l’exerce de versement des acomptes.

 

L’administration et la jurisprudence retiennent une approche large de la notion de produits de participation incluant les dividendes mais aussi, les distributions de réserves, de droits de souscription, les bonis de liquidation…

 

La Cour administrative d’appel avait cantonné l’exonération des acomptes sur dividendes au montant du résultat comptable de la filiale en se fondant notamment sur l’objectif d’élimination des doubles impositions du régime des sociétés mères.

 

Cette interprétation est écartée par le Conseil d’Etat. Celui-ci précise en effet que les articles 145 et 216 du Code général des impôts ne subordonnent pas l’exonérations des produits nets de participation à l’imposition effective, entre les mains de la filiale, des bénéfices qu’elle distribue.

 

Si cette solution a été rendue à propos d’interim dividends versés par une filiale britannique à sa société mère française, elle devrait également être applicable aux acomptes sur dividendes versés entre sociétés françaises.

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