Le Conseil d’Etat valide le décret prévoyant la possibilité de préciser les motifs de licenciement postérieurement à la notification de la lettre de licenciement.

Thomas T’JAMPENS
Thomas T’JAMPENS

SOURCE :  Arrêt du Conseil d’Etat 4 ème et 1ère chambres réunies, Inédit au recueil Lebon du 6 mai 2019 (n°417299)

 

L’annonce d’une réforme du Code du travail par ordonnance avait fait débat après les élections présidentielles de 2017.

 

L’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail, est venue compléter l’article L. 1235-2 du Code du travail.

 

Désormais, l’employeur peut à son initiative ou à la demande du salarié préciser les motifs énoncés dans la lettre de licenciement.

 

Les articles R.1232-13 (licenciement pour motif personnel) et R. 1233-2-2 (licenciement pour motif économique), disposent que dans les 15 jours suivant la notification du licenciement, le salarié peut, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé, demander à l’employeur des précisions sur les motifs énoncés dans la lettre de licenciement.

 

Dans une telle hypothèse, l’employeur dispose d’un délai équivalent à compter de la réception de la demande du salarié pour apporter des précisions s’il le souhaite.

 

Dans un délai de quinze jours suivant la notification du licenciement et selon les mêmes formes, l’employeur peut, à son initiative, préciser les motifs du licenciement.

 

La Confédération générale du travail – Force ouvrière (CGT-FO) et l’Union syndicale solidaire demandent l’annulation pour excès de pouvoir du Décret n°2017-1702 en date du 15 décembre 2017.

 

Les motifs d’annulation étaient les suivants :

 

  Le décret porterait atteinte au principe du contradictoire et aux droits de la défense, en ce sens qu’il serait incompatible avec les engagements internationaux de la France (la convention internationale du travail n° 158 et  la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales) ;

 

  Le décret serait entaché d’« incompétence négative » car il ne prévoit pas que l’employeur, soit dans l’obligation d’informer le salarié de son droit de demander que les motifs de la lettre de licenciement soient précisés, ni ne définit les conséquences qui en résultent.

 

I – Sur le rejet de l’incompétence négative

 

Le Conseil d’Etat considère que le décret n’est pas entaché d’incompétence négative « pour ne pas avoir prévu que l’employeur doit informer le salarié de son droit de demander que les motifs de la lettre de licenciement soient précisés ».

 

En effet, l’article L. 1235-2 du Code du travail prévoit qu’il appartient à un décret de fixer les conditions et délais, dans lesquels l’employeur peut après la notification de la lettre de licenciement en préciser les motifs.

 

Au demeurant, l’article L. 1235-2 du Code du travail dispose expressément que la lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l’employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs de licenciement.

 

Depuis l’arrêt Rogie du 29 novembre 1990, une jurisprudence constante de la Cour de cassation considère que l’imprécision du motif équivaut à une absence de motifs et qu’en conséquence le salarié peut prétendre au versement d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

 

Ainsi, depuis l’évolution juridique instaurée par l’article L. 1235-2 du Code du travail, même si le motif mentionné dans la lettre de licenciement est imprécis ou vague ; il appartiendra aux juges de déterminer ce qui relève du motif proprement dit, devant nécessairement figurer dans la lettre de licenciement, et ce qui relève des précisions pouvant être apportées, sous certaines conditions, après la notification de celui-ci ; de sorte qu’ils pourront estimer que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.

 

Désormais, le défaut de motivation de la lettre de licenciement ne caractérise qu’une simple irrégularité procédurale qui sera sanctionnée par le versement d’une indemnité qui ne peut excéder 1 mois de salaire.

 

La forme, ne l’emportant plus nécessairement sur le fond, le licenciement ne pourra être considéré comme sans cause réelle et sérieuse pour défaut de motivation, si les précisions de l’employeur sur le motif de licenciement sont matériellement vérifiables.

 

II – Sur la comptabilité avec les normes internationales

 

Les dispositions des articles 4 (qui impose que tout licenciement repose sur un motif valable) et 7 (qui interdit de licencier un travailleur sans que lui ait été offerte la possibilité de se défendre contre les allégations formulées), de la convention nº 158 de l’OIT, ne rendent pas incompatible le décret susvisé, dans la mesure où ce dernier a simplement vocation à fixer les conditions et délais dans lesquels l’employeur peut préciser après la notification du licenciement les motifs énoncés dans la lettre de licenciement.

 

Par conséquent, la lettre de notification du licenciement doit être motivée, ce qui implique que tout licenciement doit reposer sur un motif valable comme l’impose la convention n°158 de l’OIT.

 

Enfin, le fait que la demande de précision des motifs, qui doit être formée par le salarié dans le délai de 15 jours suivant la notification de la rupture, n’ait pas d’effet interruptif sur le délai de l’action en contestation du licenciement n’est pas davantage incompatible avec l’article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, qui garantit le droit à un procès équitable. L’instauration de ce délai ne porte en effet pas atteinte « au droit des salariés licenciés de contester, devant le juge compétent, le licenciement ou, le cas échéant, l’autorisation administrative de licenciement ».

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