Rupture brutale de relations commerciales établies dans le secteur de l’habillement : le bât blesse avec le critère de stabilité

Source : Cass. com., 27 mars 2019, n° 17-18.047 n° 253 F-D

 

I – DES COMMANDES DE VETEMENTS DURANT PLUS DE 15 ANNEES

 

A la base une histoire simple : une société ayant pour activité le commerce en gros dans le secteur de l’habillement (Callens) fournit à une société distributrice de prêt-à-porter (Brice) des vêtements entre 1995 et 2012, soit durant 17 années.

 

En 2011, Brice réduit sensiblement son volume de commandes auprès de Callens en déréférençant partiellement cette dernière avant de cesser toute relation avec elle en 2012 via un déférencement total. Callens assigne alors Brice sur le fondement de l’article L. 442-6, 5° du Code de commerce lui reprochant d’avoir ainsi rompu brutalement leurs relations commerciales établies.

 

Pour mémoire, l’article L. 442-6, 5° du Code de commerce prévoit (à l’époque des faits) [1] que :

 

« I. – Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

 

(…)

 

5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels (…) ».

 

Le demandeur devait donc démontrer le caractère établi de la relation commerciale et donc prouver cumulativement les caractères suivi, stable et habituel de celle-ci.

 

Dans l’arrêt ici commenté, c’est le second critère qui fragilisera la démonstration de la victime de la rupture.

 

II – LA DIFFICILE RECONNAISSANCE DE LA STABILITE D’UNE RELATION COMMERCIALE DANS LE SECTEUR DE L’HABILLEMENT

 

Les juges du second degré ont débouté le fournisseur de l’ensemble de ses prétentions et ont ainsi fondé leur décision sur :

 

1)    l’absence d’accord-cadre comportant un engagement de commandes minimum ;

 

2)    le faible nombre de références pour la période considérée, l’intervention du fournisseur étant limitée au cadre de l’actualisation et du réassortiment ;

 

3)    le caractère fluctuant et irrégulier du chiffre d’affaires entre 2003 et 2012, nul en 2008 ;

 

4)    la fluctuation des commandes traduisant les caractéristiques du secteur de la vente de vêtements et des usages couramment établis dans la profession.

 

La Cour d’appel déduit de ces éléments « l’absence de stabilité de la relation exclusive d’une croyance légitime en leur continuité » et ajoute qu’en l’état de ces constatations et appréciations, exempte de dénaturation, (…) la relation commerciale n’était pas établie ».

 

*****

 

Afin de sécuriser la relation commerciale et faciliter la démonstration du caractère établi de celle-ci entre acteurs du secteur de l’habillement et in fine limiter ses risques financier, économique et juridique, il serait sans doute opportun de prévoir un accord-cadre comportant un engagement minimum de commandes.

 

[1] Remplacé par l’article L. 442-1, I, 2° du Code de commerce conformément à l’Ordonnance 2019-359 du 24 avril 2019.

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Vivaldi Avocats