L’annulation d’un titre exécutoire pour des raisons de forme n’entraîne pas la décharge des sommes à payer

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

Source : CE 5 avr. 2019, req. n° 413712

 

I – Le contexte

 

La décision commentée a été rendue dans le cadre du dossier CELF, société chargée d’assurer la diffusion d’ouvrages en langue française dans les territoires d’outre-mer et à l’étranger, entre 1980 et 2001, et ayant perçu à ce titre des aides d’État, perception contestée depuis 20 ans par son concurrent française Side, devant les juridictions nationales et européennes (aides illégales d’état).

 

II – La décision

 

Le mandataire liquidateur du CELF vient de voir rejeter, par le Conseil d’État, le 5 avril, son pourvoi contre l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris du 28 juin 2017 qui avait refusé de le décharger d’une somme de plus de 10 millions d’euros.

 

La régularité du titre exécutoire de l’administration était contestée, pas le bien-fondé de la créance, et cela fait toute la différence. Le Conseil d’État approuve le raisonnement de la cour sur les conséquences de l’irrégularité du titre exécutoire.

 

Il transpose à cette occasion à la contestation d’un titre exécutoire, hypothèse de plein contentieux, les modalités d’application de la jurisprudence Eden applicable en matière d’excès de pouvoir[1].

 

Il considère que « lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions tendant à l’annulation d’un titre exécutoire, des conclusions à fin de décharge de la somme correspondant à la créance de l’administration, il incombe au juge administratif d’examiner prioritairement les moyens mettant en cause le bien-fondé du titre qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de la décharge. »

 

« Dans le cas où il ne juge fondé aucun des moyens qui seraient de nature à justifier le prononcé de la décharge mais retient un moyen mettant en cause la régularité formelle du titre exécutoire, le juge n’est tenu de se prononcer explicitement que sur le moyen qu’il retient pour annuler le titre : statuant ainsi, son jugement écarte nécessairement les moyens qui assortissaient la demande de décharge de la somme litigieuse. »

 

Si le jugement est susceptible d’appel, « le requérant est recevable à relever appel en tant que le jugement n’a pas fait droit à sa demande de décharge. Il appartient alors au juge d’appel, statuant dans le cadre de l’effet dévolutif, de se prononcer sur les moyens, soulevés devant lui, susceptibles de conduire à faire droit à cette demande. »

 

Le Conseil d’État confirme aussi que la seule ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire ne suffit pas à démontrer l’impossibilité de récupérer les aides illégales. Seule une clôture de cette procédure pour insuffisance d’actif pourrait avoir cet effet.

 

Ce raisonnement est parfaitement transposable aux procédures civiles d’exécution de droit privé.

 

[1] CE, sect., 21 déc. 2018, n° 409678

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