Un protocole transactionnel présente le caractère d’un document administratif communicable

Harald MIQUET
Harald MIQUET

Source : Conseil d’État, 18 mars 2019, n°403465

 

1. Faits et procédure

 

L’instance contentieuse commentée se présente sur fonds de bras de fer entre l’Etat et les sociétés concessionnaires d’autoroutes, à propos des tarifs de péages autoroutiers ayant donné lieu en 2015 à un gel des tarifs des péages, décision attaquée par les sociétés concessionnaires.

 

Ce litige n’a sur le fond eu qu’une courte vie juridictionnelle, puisqu’il s’est soldé par un accord entre les parties, relayé par un communiqué de presse du Premier Ministre en date du 9 avril 2015.

 

Après avoir vainement sollicité le Ministre de l’Economie de lui communiquer la nature de cet accord le requérant A…B…a demandé au Tribunal Administratif de Paris d’annuler, pour excès de pouvoir, la décision de refus de transmission d’une part, ainsi que les avenants aux contrats passés entre l’Etat et les sociétés concessionnaires d’autoroutes à la suite de cet accord, d’autre part.

 

Le Tribunal Administratif de Paris a, par un jugement du 13 juillet 2016, fait droit à cette demande.

 

C’est dans ces circonstances que le Ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique s’est pourvu en cassation.

 

2. Acquis jurisprudentiel de la décision commentée

 

Un protocole transactionnel est-il un document communicable ?

 

Deux thèses s’affrontent.

 

Celle du ministre qui s’aligne sur la position de la CADA qui estime qu’un protocole transactionnel conclu sur le fondement de l’article 2044 du c. civ « « sont (…) destinés à terminer ou à prévenir un litige devant une juridiction et ne peuvent être regardés comme des documents administratifs entrant dans le champ d’application de la loi du 17 juillet 1978 » (avis n° 20132534 du 25 juillet 2013, à propos d’un projet de protocole d’accord présenté à un conseil municipal sur le remboursement d’une créance » et relève de la catégorie de documents judiciaires ou juridictionnels exclus du champ d’application de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978.

 

Cette thèse n’a pas été suivie par le rapporteur public qui estime que « la catégorie des documents dits tantôt judiciaires, tantôt juridictionnels, est une création prétorienne inventée pour exclure du droit d’accès les documents qui, par les liens trop intimes qu’ils entretiennent avec la fonction de juger ».

 

Et celle du Conseil d’Etat qui suit le sens des conclusions de son rapporteur et retient qu’un protocole transactionnel conclu par l’administration afin de prévenir ou d’éteindre un litige relevant de la compétence de la juridiction administrative constitue un contrat administratif et présente le caractère d’un document administratif communicable dans les conditions définies par les dispositions des articles L. 300-1 à L. 311-2 et du f) du 2° de l’article L. 311-5 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA).

 

La Haute juridiction aménage toutefois le caractère de communicabilité du protocole en précisant que si un tel contrat est de nature à porter atteinte aux autres secrets protégés par la loi, tel notamment le secret en matière commerciale et industrielle, sa communication peut advenir à l’issue de l’extinction de l’instance.

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