Le juge de l’impôt est tenu de qualifier les indemnités transactionnelles de licenciement au vu de l’instruction

Clara DUBRULLE
Clara DUBRULLE

Source : Conseil d’État, 10ème – 9ème chambres réunies, 30 janvier 2019 n°414136, Mentionné dans les tables du recueil Lebon

 

   Rappel des faits

 

Monsieur A, salarié de la société Crédit agricole CIB, alors qu’il avait saisi la juridiction prud’homale le 7 juin 2010 d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail assortie d’une demande d’indemnisation, au motif que son employeur ne l’avait pas affecté à un poste correspondant à ses qualifications, a fait l’objet d’un licenciement notifié par courrier du 8 juin 2011.

 

Le 30 juin 2011, il a conclu avec son employeur un protocole d’accord transactionnel de rupture du contrat de travail qui a notamment prévu le versement d’une indemnité transactionnelle de 160 000 euros en contrepartie du désistement de l’action qu’il avait engagée en vue de la résiliation judiciaire de son contrat de travail et de toute autre action visant à contester son licenciement.

 

A la suite d’un contrôle, l’administration fiscale a réintégré une partie de cette indemnité dans son revenu imposable.

 

M. A se pourvoit en cassation contre l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 7 juillet 2017 qui a rejeté son appel contre le jugement du tribunal administratif de Paris du 20 mai 2016 rejetant sa demande de décharge de la cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu résultant de ce redressement.

 

    La règlementation applicable

 

Toute indemnité versée à un salarié à l’occasion de la rupture de son contrat de travail constitue, en principe, une rémunération imposable à l’impôt sur le revenu (catégorie des traitements et salaires)[1].

 

Ce principe d’imposition est toutefois tempéré par certaines mesures d’exonération prévues en faveur des indemnités suivantes :

 

– indemnités de licenciement ;

 

– indemnités de cessation forcée des fonctions versées aux mandataires sociaux et aux dirigeants ;

 

– indemnités de départ à la retraite ou en préretraite ;

 

– indemnités versées dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi ;

 

– indemnités de rupture d’un commun accord dans le cadre d’un accord collectif ;

 

– indemnités de rupture conventionnelle homologuée.

 

Concernant les indemnités de licenciement (versées en dehors du cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi), elles sont exonérées dans la limite la plus élevée :

 

   du montant légal ou conventionnel sans limitation ;

 

   de 50 % de l’indemnité totale ou du double de la rémunération annuelle brute de l’année civile précédente, sans excéder six fois le montant annuel du plafond de la sécurité sociale.

 

Sont ensuite exonérées sans limitation de montant les indemnités mentionnées aux articles L 1235-2, L 1235-3, L 1235-3-1 et L 1235-11 à L 1235-13 du Code du travail : il s’agit des indemnités accordées par le juge du contrat de travail qui sanctionnent le défaut de respect de la procédure de licenciement, le licenciement sans cause réelle et sérieuse, la nullité du licenciement notamment pour motif discriminatoire ou pour violation d’une liberté fondamentale ou encore le non-respect de la procédure prévue en cas de licenciement collectif pour motif économique ou de la priorité de réembauche.

 

Le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de juger à propos de cet alinéa que l’exonération doit également être appliquée aux indemnités allouées en vertu d’une sentence arbitrale ou d’une transaction[2].

 

    La décision du Conseil d’Etat

 

Le Conseil d’Etat estime que :

 

« Pour déterminer si une indemnité versée en exécution d’une transaction conclue à l’occasion de la rupture d’un contrat de travail est imposable, il appartient à l’administration et, lorsqu’il est saisi, au juge de l’impôt de rechercher la qualification à donner aux sommes qui font l’objet de la transaction. »

 

Ces dernières ne sont susceptibles d’être regardées comme des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mentionnées à l’article L. 1235-3 du code du travail que s’il résulte de l’instruction que la rupture des relations de travail est assimilable à un tel licenciement. Dans ce cas, les indemnités, accordées au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, sont exonérées d’imposition.

 

La détermination par le juge de la nature des indemnités se fait au vu de l’instruction.

 

En conséquence :

 

«  en jugeant que Monsieur A ne pouvait bénéficier de l’exonération réservée par les dispositions de l’article 80 duodecies du code général des impôts aux indemnités de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse mentionnées à l’article L. 1235-3 du code du travail, au motif qu’il n’apportait pas la preuve dont il avait la charge que la somme versée à la suite de la transaction conclue avec la société Crédit Agricole CIB correspondait à de telles indemnités, alors qu’il incombait à la cour de se prononcer au vu de l’instruction, compte tenu des éléments fournis par les parties et, le cas échéant, de mesures d’instruction, la cour a commis une erreur de droit. »

 

[1] Article 80 duodecies du code général des impôts

 

[2] Cons. const. 20-9-2013 n° 2013-340 QPC

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