Loi Egalim : publication d’une ordonnance visant le relèvement du seuil de revente à perte et l’encadrement des promotions portant sur les produits alimentaires

Source : Ordonnance 2018-1128 du 12 décembre 2018

 

I – Retour sur l’objectif de la Loi Egalim et l’interdiction « revente à perte »

 

I – 1.

 

La loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire du 30 octobre 2018, dite Loi Egalim, a pour objectif (i) de garantir une meilleure répartition de la valeur créée par les filières agroalimentaires entre les différents acteurs de la chaîne de distribution et (ii) de rééquilibrer les relations commerciales notamment entre producteurs et distributeurs.

 

Le « maillon » distributeur-consommateur nécessite un rappel de l’interdiction « revente à perte ».

 

I – 2.

 

En principe, l’article L. 442-2 du Code de commerce interdit à tout commerçant de revendre ou d’annoncer la revente d’un produit en l’état (produit non transformé) à un prix inférieur à son prix d’achat effectif. De manière plus synthétique :

 

Prix de revente < Prix d’achat effectif[1]

 

La violation de ces dispositions est punie de 75 000 euros d’amende pouvant être portée à la moitié des dépenses de publicité dans le cas d’une annonce publicitaire (offre promotionnelle) quel qu’en soit le support.

 

Cependant, des exceptions à l’interdiction de revente à perte sont prévues à l’article L. 442-4 du Code de commerce. Echappent ainsi à l’interdiction de revente à perte notamment les ventes en liquidation, de produits démodés ou dépassés, de produits périssables menacés d’altération rapide, en soldes ou encore le réapprovisionnement en cas de baisse des cours.

 

II – Le contenu de l’ordonnance critiqué par le gendarme de la concurrence

 

Par ordonnance du 12 décembre 2018, la loi Egalim met en place deux mesures (expérimentales) pour une durée de deux ans à compter d’une date fixée au plus tard en juin 2019 afin de :

 

1) relever le seuil de revente à perte des produits alimentaires ; et

 

2) encadrer les promotions sur ces produits.

 

II – 1. Sur le relèvement du seuil de revente à perte

 

De manière plus précise, la première mesure impliquera qu’à compter de cette date et pendant deux ans, le prix d’achat effectif sera affecté d’un coefficient de 1,10 pour les produits alimentaires, relevant ainsi le seuil de revente à perte de 10%.

 

Consécutivement, les acteurs de la grande distribution ne pourront pas réaliser une marge inférieure à 10% du prix effectif. Ainsi, si le prix d’achat effectif d’un produit est de 10 euros, l’enseigne ne pourra pas revendre ce produit au consommateur en dessous de 11 euros.

 

L’Autorité de la concurrence (ci-après « ADLC ») a rendu un avis[2] sur le projet d’ordonnance qui contient qui certaine critique de cette première mesure notamment au regard de l’efficacité qui lui est attribuée tant pour les professionnels que pour les consommateurs. En effet, l’ADLC estime que cette mesure pourrait dégrader la situation économique des opérateurs de l’agroalimentaire détenant des marques nationales et dont les produits seraient revendus à un prix inférieur à ce nouveau seuil de revente à perte. De leur côté, les consommateurs subiraient l’effet inflationniste variant de 10 à… 78 euros par an et par foyer, le relèvement du seuil de revente à perte entraînant logiquement une hausse générale des produits alimentaires.

 

II – 2. Sur l’encadrement des promotions sur les produits alimentaires

 

Visant toujours les produits alimentaires, le levier des offres promotionnelles sera également actionné pour réduire leur prix de vente. Ne sont concernées néanmoins que les promotions par le prix excluant ainsi les promotions par l’objet (ventes avec primes, loteries, jeux, etc.).

 

Avant cette mesure, les limitations de l’article L. 441-7 du Code de commerce s’appliquaient, c’est-à-dire que les promotions sur certains produits agricoles et laitiers étaient restreintes à 30% de la valeur du barème des prix unitaires. Avec l’application de l’ordonnance, durant deux ans à compter de la date à fixer, cette limitation ne sera pas applicable.

 

Toutefois, ne sont pas concernés les produits périssables menacés d’altération rapide sous réserve que la promotion accordée ne bénéficie d’aucune publicité. En d’autres termes, cela signifie que l’interdiction de revente à perte ne s’applique pas à cette catégorie de produits.

 

En pratique, l’encadrement des promotions se fera à double titre : en valeur et en volume.

 

1)    encadrement des promotions en valeur

 

Depuis le 1er janvier 2019, est appliqué un plafond de 34% du prix de vente consommateur pour les promotions pratiquées sur toutes les denrées alimentaires et l’alimentation pour animaux.

L’ADLC considère toutefois que cet encadrement des promotions en valeur pourrait favoriser l’instauration d’un prix de revente minimum.

 

2)    encadrement des promotions en volume

 

Les opérations promotionnelles ne devront pas porter sur plus de 25% du chiffre d’affaires prévisionnel que devrait réaliser le fournisseur de produits alimentaires (et alimentation pour animaux) avec le distributeur.

 

Cette mesure est applicable à tout contrat conclu au titre de l’année 2019 y compris si le contrat a été signé avant le 1er janvier 2019.

 

*****

 

Un an après l’ouverture de l’enquête sur les « pots de Nutella » distribués par Intermarché, 2019 semble sonner le glas des méga-promotions pour la grande distribution en France… et le retour au « juste prix » ?

 

[1] Prix d’achat effectif = Prix net du produit figurant sur la facture d’achat + Taxes (sur le chiffre d’affaires et celles spécifiques à la revente) + Prix du transport – Avantages financiers consentis par le vendeur (ristournes, réductions de prix)

 

[2] ADL, Avis n° 18-A-14 du 23 novembre 2018

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