1ère décision sur le blocage administratif d’un site Internet

Virginie PERDRIEUX
Virginie PERDRIEUX

Source : Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, jugement du 4 février 2019, n°1801344, 1801346, 1801348 et 1801352

 

La loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique a instauré la possibilité pour les administrations de demander aux fournisseurs d’accès à internet de bloquer certains sites et aux exploitants de moteurs de recherche ou aux hébergeurs de déréférencer des adresses internet lorsque le site Internet considéré présente un contenu susceptible de constituer une provocation à des actes de terrorisme ou l’apologie de tels actes relevant de l’article 421-2-5 du Code pénal.

 

Un contre-pouvoir a été prévu dans cette loi, confié à une personnalité qualifiée désignée en son sein par la Commission nationale de l’informatique et des libertés pour la durée de son mandat dans cette commission. En cas de désaccord, celle-ci peut saisir le tribunal administratif, afin de solliciter l’annulation de la décision de blocage d’une administration.

 

Pour la première fois depuis l’entrée en vigueur du texte, la personnalité qualifiée a entendu se prévaloir de son pouvoir de modération et a saisi le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d’une demande d’annulation d’une décision par laquelle l’office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication a demandé le retrait et le déréférencement du contenu d’un site Internet portant revendication de l’incendie volontaire de véhicules de la police municipale.

 

Le Tribunal s’est donc attaché à vérifier si le contenu du site Internet querellé pouvait être analysé comme un acte de terrorisme au sens des dispositions de l’article 421-1 du Code pénale, condition de légalité d’une telle mesure.

 

En l’espèce, il observe que, bien que l’incendie se soit déroulé dans un contexte de menace terroriste prégnante sur le territoire national, où les forces de l’ordre constituent une cible privilégiée, il n’est cependant pas démontré que son retentissement présente un caractère national, ni même qu’il a affecté une partie substantielle de la population.

 

Le Tribunal rappelle que l’existence d’une entreprise terroriste ne peut être déduite de la seule expression d’idées radicales au moyen de « communication au public par voie électronique ».

 

En l’occurrence, les incendies criminels revendiqués ne peuvent être rattachés à une organisation terroriste préexistante et, enfin, à l’absence de tout autre élément matériel révélant l’existence d’une entreprise terrorise, bien que pénalement répréhensibles, ne peuvent être analysés comme des actes de terrorisme au sens des dispositions précitées de l’article 421-1 du code pénal.

 

Ainsi, la qualification des faits retenue par l’autorité administrative se révèle erronée, de sorte que les décisions de l’autorité administrative sont annulées par le Tribunal.

 

Par son pouvoir modérateur, la personnalité qualifiée a permis dans cette situation de garantir la liberté d’expression.

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