Comportements discriminants et harcelants commis par des tiers, la Cour de cassation étend le domaine de responsabilité de l’employeur en exigeant une réaction immédiate de sa part.

Thomas T’JAMPENS
Thomas T’JAMPENS

SOURCE : Cass. soc., 30 janv. 2019, n° 17-28.905, F-PB

 

A l’occasion d’un événement organisé par une association sportive, la salariée agent polyvalent, travaillant en cuisine avec des bénévoles, a été insultée par ces derniers et a été victime de jets d’aliments et détritus.

 

Ces comportements victimisant ont eu lieu en présence du supérieur hiérarchique et tuteur de la salariée, en outre chargé de son intégration dans l’entreprise.

 

La salariée a dès lors dénoncé à son employeur les faits de discrimination dont elle a été victime.

 

Dûment informé, l’employeur a fait procéder à une enquête interne et a invité son personnel à prendre toutes les précautions nécessaires dans leurs relations avec la salariée.

 

Par suite, la salariée placée en arrêt de travail a saisi la juridiction prud’homale afin d’obtenir réparation du préjudice subi en raison de la violation de l’employeur de son obligation de sécurité.

 

Toutefois, la cour d’appel de Poitiers dans un arrêt du 27 mars 2013 avait rejeté les demandes de la salariée au motif que la simple vulgarité des propos « sac à foutre », ainsi que les moqueries douteuses dont la salariée a été victime, ne suffisent à caractériser un comportement discriminatoire.

 

La Chambre sociale de la Cour de cassation, casse et annule[1] cette décision, en rappelant fort heureusement au visa des articles L. 1132-1 1 et L. 1134-1 2 du code du travail, que :

 

« Lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l’existence d’une telle discrimination et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que la discrimination inclut notamment tout agissement à connotation sexuelle subi par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant »

 

La cour de renvoi de Limoges[2], a exclu la responsabilité de l’employeur constatant que les faits revêtaient un caractère discriminatoire en raison de leur connotation sexiste, néanmoins ceux-ci ayant été commis par des bénévoles de l’association qui apportaient leur aide en cuisine et donc ne se trouvaient pas sous la subordination hiérarchique de l’association.

 

La Haute juridiction pose pour principe que l’absence de lien de subordination juridique ou de tout autre lien de droit est sans incidence ; dans la mesure où l’employeur, tenu envers ses salariés d’une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, notamment en matière de discrimination, doit répondre des agissements des personnes qui exercent, de fait ou de droit, une autorité sur les salariés.

 

En conséquence, et relevant que la soirée était organisée par l’employeur et que l’agression a eu lieu en présence d’un salarié de l’entreprise, sans que ce dernier réagisse, la responsabilité de l’employeur doit être retenue.

 

Cette solution intervenue dans le cadre de comportements discriminants avait déjà été établie par la Cour de cassation.

 

En effet, dans plusieurs décisions de 2011, la Chambre sociale avait étendu la responsabilité de l’employeur aux agissements de harcèlement commis par des tiers, à condition que ces derniers exercent, de fait ou de droit, une autorité sur les salariés :

 

– Harcèlement commis par un prestataire sur une responsable de restaurant. (Cass. soc., 1er mars 2011, nº 09-69.616;

 

– Harcèlement commis par le président du conseil syndical sur le gardien-concierge engageant la responsabilité du syndic de copropriété. (Cass. soc., 19 octobre 2011, nº 09-68.272).

 

Au-delà de faits répétés caractérisant le harcèlement, l’employeur doit préserver la santé et la sécurité de ses salariés eu égard aux comportements des prestataires extérieurs, clients, etc …, au risque de voir sa responsabilité engagée.

 

[1] Soc., 20 mai 2015, pourvoi n° 14-13357

 

[2] Arrêt du 21 septembre 2016

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