Procédure collective ouverte contre une société civile professionnelle d’avocats : qui est débiteur des cotisations sociales ?

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

Il s’ensuit que l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société civile professionnelle est sans incidence sur l’obligation de l’associé au paiement de ses cotisations.

 

Source : Cass.com. 21 novembre 2018, n°17-18.306, F-P+B

 

I – L’espèce

 

Une société civile professionnelle (SCP) d’avocats est mise en redressement judiciaire le 10 décembre 2015. L’avocat associé-gérant forme opposition à la contrainte que lui a signifiée l’URSSAF le 2 février 2016 pour le recouvrement de cotisations afférentes à son activité d’avocat exercée au sein de la société, pour la période de novembre 2015. Le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris, statuant en premier et dernier ressort, valide partiellement cette contrainte.

 

II – Le pourvoi

 

L’avocat forme alors un pourvoi en cassation, arguant que la SCP d’avocats est codébitrice avec ses associés des cotisations sociales qui font d’ailleurs l’objet de déclarations et de paiement par la société elle-même. En cas de procédure collective, les associés peuvent opposer aux créanciers l’absence de déclaration de créances d’arriérés de cotisations sociales aux organes de la procédure collective.

 

Ce défaut de déclaration de créance le privait par conséquent de la possibilité de déduire la charge correspondante du chiffre d’affaires de la SCP, augmentant ainsi fictivement le montant de son revenu personnel au sein de la SCP et les charges personnelles en découlant.

 

Le pourvoi est rejeté, car c’est l’avocat libéral, associé de SCP, qui est personnellement redevable des cotisations sociales afférentes à son activité et non pas la structure au sein de laquelle il exerce son activité. La solution serait différente en cas d’exercice de l’activité d’avocat en qualité de salarié, car c’est alors l’employeur – la SCP – qui devrait s’acquitter des cotisations sociales.

 

III – Pour aller plus loin

 

Cette décision fait écho notamment à un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 9 février 2010[1]. L’avocat, qui a cessé d’exercer son activité à titre individuel pour devenir associé d’une société civile professionnelle, n’agit plus en son nom propre mais exerce ses fonctions au nom de la société ; il cesse dès lors d’exercer une activité professionnelle indépendante au sens de l’article L.631-2 du Code de commerce. Le tribunal peut ouvrir à son égard une procédure de redressement judiciaire après cette cessation d’activité, lorsque tout ou partie du passif provient de l’activité professionnelle antérieure ; toutefois, si la procédure est ouverte sur l’assignation d’un créancier, cette dernière doit intervenir dans le délai d’un an à compter de la cessation de l’activité individuelle.

 

Dans la législation antérieure à 2005, le professionnel libéral, quel que soit le mode d’exercice de son activité, à titre individuel ou en société, ne pouvait pas être mis en redressement ou liquidation judiciaire, seule la société étant, comme toute personne morale de droit privé, soumise à ces procédures. Ce professionnel est désormais éligible aux procédures collectives, en tant que « personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé ».

 

Dans les trois espèces ayant donné lieu aux arrêts commentés, étaient en cause des avocats qui avaient exercé leur activité professionnelle sous forme individuelle avant de l’exercer en tant qu’associés d’une société civile professionnelle ou d’une société d’exercice libéral et qui se trouvaient assignés en liquidation judiciaire par l’administration fiscale au titre d’un passif lié à leur activité individuelle antérieure.

 

La question était de savoir si en passant d’un mode d’exercice individuel à un mode d’exercice en société, ces professionnels n’avaient pas cessé d’exercer une « activité professionnelle indépendante », et qu’ayant cessé d’exercer une telle activité, s’ils devaient être assignés dans le délai d’un an à compter de cette cessation d’activité par le créancier.

 

L’exercice au sein d’une société d’exercice libéral n’est elle qu’une modalité, ou exerce-t-il ses fonctions d’avocat au nom de la société ? L’indépendance de l’avocat est en réalité d’avantage technique et intellectuelle.

 

Est-ce à dire, que s’il reste redevable de dettes contractées alors que l’avocat exerçait à titre individuel, il échappera à toute procédure ? On voit alors poindre le stratagème consistant à entrer en société, par exemple une SELARL ou une SELAS unipersonnelle, afin d’échapper aux poursuites des créanciers. Les décisions rendues par la Cour de cassation évitent cet écueil, puisqu’elles admettent que l’abandon de l’exercice de la profession sous forme individuelle est une cessation d’activité qui permet donc d’ouvrir une procédure collective pour l’activité antérieure, sous réserve de respecter alors pour le créancier un délai d’un an à compter de la cessation d’activité (art. L. 631-5 et L. 641-5 c. com.).

 

[1] Cass. com., 9 février 2010, n°08-17.670

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