Le preneur à bail commercial de locaux à usage de bureau bénéficie-t-il d’un droit de préemption légal ?

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

SOURCE : CA AIX EN PROVENCE, Ch1A, 20 novembre 2018, n°17/04435

 

Depuis la LOI n° 2014-626 du 18 juin 2014 dite « Pinel » relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, le preneur à bail commercial, à l’instar du preneur à bail d’habitation, bénéficie d’un droit de préemption légal en cas de vente du local dans lequel son fonds est exploité, dans les formes et conditions de l’article L145-46-1 du Code de commerce :

 

« Lorsque le propriétaire d’un local à usage commercial ou artisanal envisage de vendre celui-ci, il en informe le locataire par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, ou remise en main propre contre récépissé ou émargement. Cette notification doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente envisagée. Elle vaut offre de vente au profit du locataire (…)»

 

C’est dans ce contexte qu’un notaire, chargé de recevoir la vente d’un immeuble dans lequel un cabinet d’expertise comptable exploitait son activité au titre d’un bail commercial, notifie la vente au preneur à bail. Le preneur préempte.

 

Sans doute interpelé par l’acquéreur initial sur l’application du droit de préemption au bail commercial de bureaux, le notaire interroge son Centre de recherches, d’information et de documentation notariales (Cridon) qui partage la position de l’acquéreur, estimant que « la notion de local à usage commercial ne recouvre pas les locaux loués pour l’exercice d’une profession libérale ». Le CRIDON s’appuyait notamment sur les débats parlementaires conduisant à l’adoption du texte, et le rejet, par le sénat, d’un amendement visant à étendre le droit de préemption aux bureaux.

 

Le CRIDON ajoutait toutefois que « la difficulté résidera dans l’interprétation que fera la jurisprudence de cette notion de local commercial et si elle se rangera à l’interprétation restrictive qui ressort des débats parlementaires »A l’aune de ces précision, le notaire recevait la vente de l’immeuble au profit du preneur à bail, et l’acquéreur initial à rechercher sa responsabilité civile.

 

Le TGI de Marseille condamne le notaire, lui reprochant d’avoir reçu la vente alors que le droit de préemption légal ne bénéficie pas aux locaux loués pour l’exercice d’une profession libérale.

 

La Cour d’appel d’AIX EN PROVENCE partage cette position de principe : les preneurs bénéficiant du statut des baux commerciaux ne peuvent se prévaloir du droit de préemption légal lorsqu’ils n’exercent pas d’activité commerciale ou artisanale. Mais elle retient en l’espèce que le preneur est une société commerciale ayant l’autorisation d’exploiter une activité commerciale, et qu’à cet égard, les experts comptables ont la faculté d’accomplir des actes de commerce.

 

La Cour en déduit que le notaire « devant assurer la sincérité et l’efficacité des actes authentiques qu’il dresse, (…) a fait preuve de prudence en notifiant un droit de préemption à la société (…) locataire. Qu’il ne pouvait en aller autrement dans la mesure où, faute de notification, un acte de vente au profit de Mme X encourait la nullité. Que l’acte authentique le plus sécurisé juridiquement est bien celui que ce notaire a finalement passé au profit du preneur ».

 

Autrement dit, selon la Cour, les professions libérales exercées dans un immeuble au titre d’un bail commercial, même avec extension conventionnelle du droit au statut, ne bénéficient pas en principe, du droit de préemption légal de l’article L145-46-1 du Code de commerce. Il devrait en être de même, par exemple, des locaux de bureau des sièges sociaux abritant les seules activités administratives de la société.

 

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